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Violence psychologique et inversion des rôles dans la famille dysfonctionnelle

Le 13 décembre 2020
Violence psychologique et inversion des rôles dans la famille dysfonctionnelle
La violence psychologique dans une famille dysfonctionnelle est tout aussi destructrice que la violence physique. A quoi la reconnaît-on ? L'inversion des rôles en fait partie et a des effets dévastateurs. Comment se libérer de cette violence ?

A. La violence psychologique :

La violence psychologique est présente dans une famille dysfonctionnelle. Elle s'exprime par des comportements verbaux ou non verbaux : le silence désapprobateur pendant parfois plusieurs jours, la critique, la dévalorisation, les fausses plaisanteries, les comportements de sape, le chantage affectif ou financier, le message paradoxal, le hurlement, l'insulte, le discrédit, la contradiction, la diversion, l'oubli intentionnel de ce qui est important pour l'autre, la culpabilisation, le mépris, la prise d'otage de l'enfant, le déni, les reproches, la mise sous terreur, la corruption, le refus de réponse affective, l'inversion des rôles. Ces comportements ont pour but de dominer, anéantir l'identité, exploiter l'autre. L'intention n'est pas bienveillante.

Le silence prolongé n'est pas bienveillant, car il empêche le dialogue et la résolution du conflit, poussant l'autre à se remettre sans cesse en question, sans avoir de réponse. La personne garde pour elle ses pensées, ses émotions, reste froide et distante. Le silence prolongé déstabilise et fragilise la relation de confiance, la confiance en soi. La critique ne reconnaît pas la réalité de l'autre, ses émotions, ses pensées, ses valeurs (ex. "Arrête tes grimaces !", quand l'enfant pleure). La dévalorisation attaque la personne de l'autre, rend nulles ses idées (ex. "Avec de telles idées, tu n'iras pas loin !"). Les fausses plaisanteries ou sarcasmes font passer, sur le ton de l'humour, des critiques ad hominem et la personne visée est critiquée si elle le vit mal (ex. "Trop bon, trop con !", "C'était une blague, enfin ! Tu n'as vraiment pas d'humour !"). Les comportements de sape cassent l'enthousiasme de l'enfant par un comportement verbal ou non verbal (ex. Le parent regarde son portable pendant que l'enfant raconte son match de foot où il s'est distingué, ou bien le parent lui rappelle les matchs où il est resté sur le banc). Le chantage affectif ou financier est une menace qui met des conditions interdisant l'autonomie (ex." Si tu vas chez ta mère, tu n'es plus mon fils", "Si tu te maries, j'en mourai !"). Le message paradoxal empêche la personne de penser et de développer son autonomie (ex. "Mais oui, je t'aime", dit sur un ton méprisant). Le hurlement ou les cris paralysent la personne visée. C'est une intimidation qui interdit l'autonomie. L'insulte porte atteinte à l'estime de soi et à l'autonomie. Le discrédit minimise la violence psychologique (ex. "Ce n'est rien ! Tu es un couillon ! " ", minimisant les pleurs de l'enfant qui a eu peur).  La contradiction consiste à contredire systématiquement l'enfant au niveau de ses idées, de ses rêves, de ses ressentis (ex. L'enfant exprime son admiration à l'égard du comportement de son frère ou de sa soeur et le parent le contredit (ex. "Mais non, ce n'est pas si génial que ça ! Regarde ses échecs en math !"). La diversion vise à changer de sujet pour éviter le dialogue, la remise en question et la résolution du conflit. L'oubli de ce qui est important pour l'enfant (ex. oublier son anniversaire). La culpabilisation (ex." J'ai raté ma carrière à cause de toi !"). Le mépris est une moue qui attaque l'identité de l'autre. La prise d'otage de l'enfant (ex. se confier à l'enfant sur ses problèmes de couple). Le déni est un comportement niant en bloc la réalité de l'autre, ses propres paroles ou celles de l'autre (ex. "Je n'ai jamais dit cela !"). Les reproches permettent de ne pas se remettre en question et de rejeter systématiquement sur l'autre la faute (ex. "Tu n'es jamais content !"). L'inversion des rôles est un comportement parental qui donne à l'enfant le rôle de parent sur le plan verbal ou comportemental  (ex. se plaindre, se confier, dire à son enfant "mon petit père !", lui donner des responsabilités disproportionnées par rapport à son âge, le mettant en échec). L'humiliation publique rabaisse l'enfant devant d'autres. la violence psychologique précède toujours la violence physique ou l'accompagne. La mise sous terreur vise à dominer l'enfant (ex. blesser son animal ou casser son jouet). Le refus de réponse affective empêche l'enfant de devenir autonome sur le plan affectif. Toute sa vie, l'enfant attendra l'amour non reçu et pourra accepter l'inacceptable dans l'espoir d'obtenir cet amour. La corruption encourage l'enfant à transgresser les règles, les lois, à adopter des comportements violents, à lui interdire l'autonomie (ex. acheter l'enfant par des cadeaux pour obtenir de lui tout ce que l'on veut).

B. L'inversion des rôles dans la famille dysfonctionnelle :

L'inversion des rôles parentifie l'enfant. C'est une violence psychologique aussi grave que la violence physique, car le parent interdit ainsi à l'enfant de vivre son enfance en tant qu'enfant. L'enfant doit renoncer à ressentir et exprimer ses émotions, ses désirs d'enfant. Il doit aussi renoncer à vivre dans l'insouciance, l'émerveillement, le jeu. Il devient un adulte et un parent avant l'âge : prendre des décisions d'adulte, se soucier de l'état émotionnel, psychologique du parent, se préoccuper de sa situation professionnelle, financière, ... Les conséquences négatives sont importantes : perte de confiance en soi, d'estime de soi, culpabilité excessive, sentiment d'insécurité, d'impuissance à exprimer qui il est, ...

L'enfant ne peut percevoir cette inversion des rôles comme une violence, car il est dépendant du parent pour sa survie. Il nie son ressenti et idéalise le parent. Il s'attribue la responsabilité de la situation. Il ne pourra reconnaître la violence à l'âge adulte. Il sera facilement manipulable s'il ne fait pas un travail sur lui pour prendre soin de lui et de la partie enfant en lui, restée blessée. Il risquera d'adopter des comportements de sauveur en prenant en charge les autres sans prendre en considération ses limites et ses besoins. Le risque de burnout familial ou professionnel sera probable. Ou bien, il pourra être l'objet de harcèlement au travail en étant très perfectionniste, consciencieux, performant. Son comportement pourra représenter une menace pour un individu en quête de pouvoir, manipulateur et malveillant. La dépendance affective peut résulter de ces blessures affectives de l'enfance et la personne pourra tenter de prendre en charge autrui pour obtenir l'amour, la reconnaissance dont elle a manqué.

C. Prendre soin de soi pour soigner son enfant intérieur blessé :

Philippe a vécu une inversion des rôles durant son enfance. Il s'est préoccupé très jeune des soucis financiers de ses parents, de l'humeur instable de ceux-ci. Il remontait le plaid de sa mère quand elle se couchait dans le divan avec un air accablé et il lui tenait la main. Il voulait aider son père à l'atelier pour le soulager de son travail et de son anxiété. Son père n'a pas pris ses responsabilités durant l'enfance de Philippe de sorte que celui-ci a développé un comportement de sauveur vis à vis de sa soeur et de ses parents. Philippe a également souffert de violences psychologiques de la part de ses parents. Sa soeur avait été mise sur un piédestal par sa réussite scolaire, tandis qu'il avait été considéré comme le vilain petit canard. Doué, il avait pris l'habitude de ne rien faire au niveau scolaire et il s'est retrouvé rapidement en échec avec les années. Au lieu d'être encouragé, il était dévalorisé, critiqué par sa mère. Il s'est senti seul toute son enfance, de sorte qu'il était souvent dans la lune pour fuir la situation. Il aurait voulu que son père lui apprenne des choses et il s'est culpabilisé de la distance froide de son père, enfermé dans son silence et ses soucis. Par inversion des rôles, Philippe a voulu gagner beaucoup d'argent pour sauver sa famille. L'anxiété de performance le rendait très négatif et c'est pour cette raison qu'il m'a consultée durant ses études. Nous avons pu identifier que cette anxiété était liée à un manque de d'estime de soi. Il pleurait si on lui faisait un compliment tellement il ne croyait plus en lui. La mère de Philippe prenait la soeur de celui-ci comme confidente, ce qui rendait encore plus grand le gouffre entre elle et son fils. La cousine de Philippe ne put se soigner comme lui et ne put réussir ses études malgré son potentiel, car elle était également dévalorisée, critiquée par son père. Elle se scarifiait pour survivre à la violence psychologique. La psychothérapie EMDR a aidé Philippe à rétablir son estime de lui, sa légitimité à penser et à ressentir différemment, à être lui-même. C'était le thème récurrent qui lui avait posé problème toute sa vie et qui l'empêchait d'imaginer la réussite de ses études, au point d'envisager parfois l'échec comme plus agréable. La cause de cette pensée était la culpabilité à l'idée de mieux réussir que son père et de le peiner. Il culpabilisait aussi de sortir de son statut de sauveur et de penser à lui. La psychothérapie EMDR lui a permis de renforcer ses ressources et ses modèles d'identification positifs afin de construire une estime de soi plus forte. Il termina ses études avec succès et s'épanouit dans un job correspondant à ses compétences. Il travailla durant la thérapie à sortir de son rôle de sauveur en comprenant l'inversion des rôles et la violence psychologique dans la relation avec sa famille. Ce fut particulièrement le cas quand il fut déçu d'entendre son père plaisanter sur le fait qu'il allait se faire entretenir par Philippe. Sa soeur le prenait déjà en charge pour qu'il obtienne une maison. Son sens critique s'éveilla en se libérant de sa culpabilité par l'EMDR. Il se sentit enfin libre d'être lui, enfin adulte et non parent sauveur ou enfant en quête de reconnaissance positive. Il s'autorisa ainsi à faire le deuil de cette famille dysfonctionnelle pour aller mieux et soigner son enfant intérieur blessé. Son excès d'empathie fit place à une empathie plus sélective, car il avait pris conscience que ses parents étaient tous les deux dans le déni. Il put d'abord renforcer une empathie pour lui-même, base de l'estime de soi et réduire son exigence toujours insatisfaite envers lui-même.Celle-ci l'avait poussé à constamment s'évaluer comme s'il était lui-même son propre parent critique et dévalorisant, toujours en quête de performance et d'efficacité. Il fit le choix de davantage penser à lui, s'orienter vers ce qui le rendait heureux et laisser ce qui ne lui faisait pas du bien. Il fit le choix d'être heureux.