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Enfant de pervers narcissique : comment soigner sa relation à ses propres enfants ?

Le 04 janvier 2025
Enfant de pervers narcissique : comment soigner sa relation à ses propres enfants ?
Comment soigner la relation à ses enfants quand on a grandi avec un parent pervers narcissique ? La transmission transgénérationnelle des traumatismes peut être stoppée en créant le sentiment de sécurité et par la compréhension de son histoire familiale.

A. L'enfant d'un parent pervers narcissique

L'enfant d'un parent avec un trouble de la personnalité pervers narcissique souffre, en grandissant, d'un stress post-traumatique complexe lié aux abus narcissiques ou sexuels répétés.

En effet, les violences psychologiques, verbales, parfois physiques et sexuelles engendrent chez l'enfant un état d'hypervigilance, une dérégulation des émotions des difficultés relationnelles s'il ne reçoit pas d'aide (évitement, agressivité, recherche d'approbation dans les relations sociales). La relation d'emprise laisse des séquelles à tous les niveaux, car le système nerveux d'une personne communique directement avec le système nerveux d'une autre selon la théorie polyvagale de S. Porgès ("Théorie polyvagale et sentiment de sécurité").

Au niveau du corps, Celui-ci est saturé d'hormones du stress, adrénaline et cortisol, de sorte que, souvent, la dissociation du corps, la coupure avec les émotions devient une nécessité vitale. Mais, cela peut engendrer des symptômes de stress importants (mal au ventre, à la tête, difficultés d'endormissement, cauchemars, pipi au lit, ...etc.

Au niveau de la pensée, des difficultés dans les apprentissages et des biais cognitifs dans la perception de soi ou du monde sont la conséquence de la coupure avec le corps suite aux violences répétées. Le cerveau préfrontal, capable d’observer, prendre du recul, analyser, être créatif et réguler les émotions est bloqué, car dans le danger, il faut penser et agir rapidement. Cela engendre des pensées automatiques, rapides, inconscientes liées au cerveau reptilien, cerveau de la survie. Le Docteur Jill Bolte Taylor, neuroscientifique, décrit les biais cognitifs liés à la coupure avec le corps et la compression de l’hémisphère droit par l’hémisphère gauche. C’est une tendance propre à notre culture narcissique moderne et d’autant plus forte si la personne a vécu des traumatismes. La pensée en tout ou rien fait adopter des comportements autoritaires (mécanisme de survie par le combat) ou laxistes (mécanisme de survie par la fuite ou le figement). La minimisation de la violence consiste à banaliser les comportements abusifs, car la personne a grandi dans ce contexte et n’a pas d’autres références. Elle s’est protégée ainsi pour se suradapter au parent abuseur et en être protégée. C'est le "faux self". Le biais de conformisme pousse à accepter des autorités abusives par peur de la violence, du rejet, des humiliations, des critiques subies dans la relation au parent pervers narcissique. La volonté de tout contrôler, par peur de subir encore des violences, pousse à pointer du doigt un coupable sous l’influence du mécanisme de survie par le combat. Le biais de confirmation consiste à se confirmer ce que l’on  croit. Sous l’effet des violences parentales, la personne se confirme que le monde est dangereux en mettant le focus sur les personnes ou les événements violents. De même le biais de négativité favorise la mise en évidence des personnes et des événements négatifs à cause de l’insécurité vécue au contact d’un parent violent. Le biais de généralisation incite à croire que si on a vécu une relation avec un père violent, il faut se méfier des hommes. C’est pareil dans le cas de la mère violente. Le biais d’autorité consiste à idéaliser l’autorité, même abusive, parce que le parent pervers narcissique a exercé un contrôle coercitif par le biais de violences. L’enfant a survécu en l’idéalisant. C’est le syndrome de Stockholm. Le biais de corrélation est la mise en lien erronée d’événements avec des pensées, des émotions, des sensations, car la personne insécurisée par la relation au parent pervers narcissique n’a plus une réelle connexion avec elle-même et le monde. Sa neuroception est défaillante. Elle perçoit du danger là où il n’y en a pas ou ne perçoit pas le danger là où il y en a. 

Au niveau du comportement, son cerveau reptilien, cerveau de la survie, déclenche des comportements automatiques, inconscients, de protection : combat, fuite, figement jusqu'à la soumission et la dissociation traumatique. Ceux-ci prennent le dessus sur le moi conscient, le cerveau préfrontal, capable de prendre du recul, d'analyser et réguler les émotions.

Au niveau émotionnel, la personne est souvent dominée par des émotions pénibles liées à son sentiment d'insécurité : colère, tristesse, peur, terreur, sentiment de honte, de culpabilité, de désespoir, de dégoût.

A l'âge adulte, s'il n'a pas retraité ses traumatismes, l'enfant de pervers narcissique transmet inconsciemment ses traumatismes à son enfant. C'est la transmission transgénérationnelle des traumatismes qui opère dans la relation au niveau du corps, des émotions, du comportement, des croyances sur soi et sur le monde, de l'expression non-verbale ou verbale. Voici le cas de Justin et de Fabienne dont l'histoire décrit cette transmission.

Justin me décrit sa relation avec sa mère, violente avec lui en paroles, mais aussi sur le plan psychologique. Elle avait elle-même souffert de la violence de son propre père et s'était coupée de sa souffrance d'enfant pour survivre. Elle exerçait un contrôle coercitif sur son fils à travers lequel elle projetait en lui sa souffrance non-conscientisée et transformée : punitions dures (ex. usage de la cravache, violentes, sans explications, ...etc. Justin s'est soumis à elle durant son enfance, figé dans le corps et dans l'esprit. Ses épaules voûtées, son bassin bloqué en témoignaient. La dissociation qui accompagnait le figement de son corps l'a bloqué dans sa relation conjugale, car il n'arrivait pas à prendre sa place. Cela s'est répété avec ses enfants. Il n'arrivait pas à mettre des limites sainement, car il associait cela à la violence de sa mère. Son fils régnait en maître à la maison après la séparation des parents. Justin lui avait installé une salle de jeu pour qu'il puisse mieux ranger sa chambre, mais son fils laissait tout traîner malgré les demandes répétées de son père pour ranger. Justin avait beau l'appeler pour le repas, il descendait à la cuisinait quand il en avait envie. Justin attendait, figé dans la cuisine. Il finissait par boire un apéro, mais cela se prolongeait, car l'attente réactivait ses traumatismes d'enfant. Il s'était senti seul, impuissant, abandonné face à l'absence de témoignage d'attention, d'amour et de réconfort de sa mère. Son fils a observé, ressenti ce figement. Ces mécanismes de figement, de fuite de son père pour lui faire plaisir, le surprotéger sans mise de limites ont eu un impact sur lui. L'enfant avait finalement trois pièces à lui qu'il ne rangeait toujours pas. L'insécurité de Justin a déclenché chez son fils des mécanismes de survie par le combat, dominer, avec l'attitude "je fais ce que je veux". Il a aussi manifesté des mécanismes de fuite, comme son père, dans les addictions (nourriture, jeux vidéos).

Par contre, Fabienne me décrit comment elle a réagi au contrôle coercitif de son père par des mécanismes de survie de type combatif. Son père l'instrumentalisait pour son intelligence à haut potentiel et ne lui autorisait pas le droit à l'erreur. il hurlait sur elle, la dévalorisait, l'humiliait. Enfant, elle fuyait dans l'addiction à la nourriture, car elle n'avait pas de réconfort de sa mère, elle-même traumatisée par la relation à son mari. Le mécanisme de fuite l'emportait et elle tentait de satisfaire sa mère, les autres en général, pour obtenir l'attention pour ses émotions et ses besoins, mais en vain. A l'adolescence, après la séparation des parents, Fabienne l'a confronté, car il ne donnait pas d'argent pour qu'elle puisse manger et étudier à l'Université. Il y a eu de la violence physique à ce moment là, car elle tentait d'affirmer son droit à l'existence et ce profil de personnalité refuse le droit à la différence, à l'existence de sa proie. Le mécanisme de combat prenait souvent le dessus sur la fuite. Elle avait une attitude très critique envers elle-même et les autres, perfectionniste, contrôlante à l'excès. Ou bien, elle explosait de colère dès que les choses n'allaient pas comme elle voulait. Ses enfants ont perçu et ressenti les réactions de survie de Fabienne, son insécurité sous-jacente. Ils y réagissaient également par des crises de colère, car ils ne ressentaient pas le sentiment de sécurité.

B. Comment soigner sa relation à ses enfants ?

L'enfant de pervers narcissique, en grandissant, peut être aidé s'il reçoit de l'attention pour l'expression de ses émotions et de ses besoins. Si ce n'est pas le cas, il peut soigner la relation à ses propres enfants, à l'âge adulte, en soignant son sentiment d'insécurité.

Fabienne et Justin, durant leur psychothérapie, ont développé des capacités à ressentir le sentiment de sécurité. S. Porgès, avec la théorie polyvagale ("Théorie polyvagale et sentiment de sécurité"), décrit comment le sentiment de sécurité est la résilience. Justin et Fabienne ont inventorié leurs ressources pour s'apaiser. Ils ont appris à ressentir dans le corps l'apaisement de manière à aider leur système nerveux à revenir rapidement et aisément en état de sécurité face à une menace du monde extérieur. Ils ont développé un dialogue avec les parties de leur moi en survie, le combat, la fuite, le figement et la soumission. Ils ont acquis des capacités à réguler leurs émotions et leur état hormonal grâce à la partie du moi en sécurité. Ils y sont arrivés aussi en faisant référence à une figure parentale symbolique, père ou mère. E. Contamin ("Les 5 cercles de la résilience") décrit le reparentage comme le développement d'une relation de sécurité à une figure parentale imaginée dont les qualités évoquent celles d'un parent suffisamment bon. Aucun parent n'est parfait, mais être suffisamment bon est une condition essentielle pour transmettre le sentiment de sécurité à l'enfant. Dans ce sentiment de sécurité, développé avec leur psychothérapie en EMDR et le coaching par la théorie polyvagale, ils ont pu soigner leur relation à leurs propres enfants, que ce soit par la mise de limites saines ou par l'écoute des émotions et des besoins de chacun dans un état de sécurité. En régulant mieux leurs propres émotions, ils devenaient capables de mieux réguler celles de leurs enfants et de créer un style d'attachement sécure avec eux. Le dialogue était plus fluide et la résolution des conflits plus aisée.

Le point commun entre ces deux récits est la difficulté à mettre des limites saines à cause des abus narcissiques (Justin) et/ou sexuels (Fabienne) de l'enfance. Le contrôle coercitif exercé par le parent pervers narcissique empêche la prise de conscience de soi, de ses limites. La conséquence pour l'enfant devenu adulte est l'oscillation entre des extrêmes (pensée en tout ou rien) : limites dures, excessives (autoritarisme) ou pas de limites (laxisme).

C'est la connaissance de soi qui permet d'identifier ses biais cognitifs et de les remettre en question. La connaissance de son corps, de ses sensations, de ses émotions et de ses besoins permet de définir ses limites. La capacité à s'apaiser grâce aux ressources reconnectées et au retraitement des traumatismes leur a permis de mieux prendre soin d'eux-mêmes et de leurs enfants.

Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez lire "L'art de la résilience" à paraître le 28 février 2025 aux éditions Ellipses, col. Récits et témoignages. Vous pouvez déjà le commander sur le site de l'éditeur, sur Amazon, dans toute librairie avec un rayon psychologie.

C. Contact

Si ce thème vous interpelle, vous pouvez contacter Christine Calonne, psychologue psychothérapeute à Namur et à Liège sur le formulaire contact de son site ou à ce numéro  +32 42 90 58 14.