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Victime de violences : comment se libérer de la culpabilité et se revaloriser ?

Le 10 décembre 2019
Victime de violences : comment se libérer de la culpabilité et se revaloriser ?
Le traumatisme lié aux violences laisse des séquelles. Comment les conscientiser, s'en libérer, dans quelles conditions, à quel moment ? Comment comprendre la peur d'y faire face et l'agressivité suscitée parfois par le traumatisme des victimes ?

A. Traumatisme, culpabilité et perte d'estime de soi :

La personne qui a vécu des menaces pour sa vie, des atteintes à son intégrité physique ou mentale au travers de violences souffre parfois d'un sentiment de culpabilité excessive et de dévalorisation de soi. C'est particulièrement le cas si la personne a subi, seule, ces agressions violentes et si elle n'a pas pu être écoutée, réconfortée, encouragée à exprimer ses émotions. Le trauma devient alors traumatisme. Figée, la personne imprime dans son corps ce qu'elle n'a pas pas pu libérer comme émotions, sensations ou paroles pénibles.

Ceci est particulièrement vrai s'il s'agit d'un enfant. L'enfant peut difficilement s'imaginer que son parent lui veut du mal. Cet enfant aura tendance à penser que c'est de sa faute s'il a été l'objet de violences psychologiques, verbales, sexuelles ou physiques, car il est dépendant de son environnement pour survivre.

Tenter de rationaliser (recours à la raison) à l'âge adulte ce qui s'est passé, de se revaloriser et de se déculpabiliser n'a pas d'effets à long terme, car le traumatisme est inscrit dans la mémoire traumatique, mémoire inconsciente du corps. Chaque situation (expérience interne ou externe) qui rappelle la menace réactive cette mémoire traumatique. Cela peut être la vision d'un objet, le ressenti d'une odeur, l'audition d'un mot, d'un bruit, le rappel d'un souvenir associé au souvenir traumatisant. La sirène de l'ambulance, par exemple, peut rappeler l'événement. Cela réveille les émotions, les sensations et les pensées pénibles : ex. Sueurs, tremblements, palpitations, des idées comme "c'est ma faute", "je ne vaux rien", "je ne mérite pas d'être heureux", "il va encore arriver quelque chose", "je ne peux rien faire",...etc. 

Si la rationalisation n'est pas efficace à long terme, par contre, des approches traitant le traumatisme et qui passent par le corps permettent de transformer la mémoire inconsciente du corps au niveau des émotions, des pensées, des sensations et ont des résultats beaucoup plus efficaces à long terme.

B. Le traitement du traumatisme lié aux violences :

C'est le cas de l'EMDR. Cette approche psychothérapeutique mise au point par Francine Shapiro, docteur en psychologie, signifie "Eye Movement Desensitization and Reprocessing". Cela se traduit dans les termes suivants : "Désensibilisation et retraitement par le mouvement des yeux". L'EDMR est utile pour le traitement de tous les traumatismes (violences psychologiques, physiques, sexuelles, verbales, mais aussi accident, deuil difficile, harcèlement moral, traumatisme de guerre, catastrophes naturelles, attentats, torture, ...etc).

Quand un traumatisme s'installe, les informations liées au vécu de l'événement peuvent être bloquées dans le système nerveux central avec le souvenir, comme les pensées, les émotions, les sensations physiques. Muriel Salmona, psychiatre traumatologue, identifie l'amygdale comme lieu de stockage de ces informations.
La psychothérapie EMDR, grâce à une stimulation bilatérale du cerveau, favorise un déblocage de l'information traumatique non assimilée et permet au cerveau de retraiter cette expérience traumatique de manière adaptée. L'inconscient transforme les pensées, émotions et sensations pénibles en pensées positives sur soi, en émotions et en sensations agréables. Ce processus inconscient se déroule durant le balayage oculaire, mouvement bilatéral rapide du doigt du thérapeute devant les yeux de la personne. Au bout de ce processus, la personne retrouve la sérénité, une bonne estime de soi et est libérée d'une culpabilité excessive. Ce processus est semblable à celui qui a lieu durant le sommeil paradoxal (période des rêves) où des mouvements oculaires rapides favorisent le retraitement des informations inconscientes. La volonté et le rationnel n'interviennent pas de façon prépondérante. 

C. Une base de sécurité pour se libérer des séquelles des violences :

Le préalable à ce retraitement du traumatisme est l'inscription dans le corps et l'esprit de la personne de sensations, d'émotions agréables. Cela constitue une base de sécurité à partir de laquelle la victime et le thérapeute peuvent collaborer pour retraiter les informations traumatisantes. Aller chercher dans le réservoir de souvenirs agréables, dans le vécu positif présent ou dans l'expérience de la relation thérapeutique sécurisante, empathique, apaisante, permet d'aborder la désensibilisation en toute sécurité. Il y a des approches actuelles qui y préparent comme la méditation pleine conscience, la cohérence cardiaque, l'hypnose éricksonienne, ...etc.

Certaines victimes, en effet, ont besoin de créer cette base de sécurité avec le thérapeute, car elles ont globalement manqué de cette expérience avec leurs figures d'attachement dans l'enfance, ou bien elles ont manqué d'expériences de vie suffisamment positives. Parler du traumatisme ou l'explorer sans cette base de sécurité peut re-traumatiser la victime encore une fois.

D. Pourquoi les victimes peuvent susciter des réactions agressives :

Il est important d'aborder ses traumatismes avec des personnes capables d'écouter avec empathie, bienveillance, sans jugement, capables de comprendre le vécu de la victime. Ce vécu est parfois difficilement compréhensible, surtout quand la victime semble "sans émotions", ce qui correspond à un état dissociatif, véritable protection mise en place par l'inconscient pour survivre. Cela se traduit par un sentiment d'être à côté de soi, d'être coupé d'une partie de son corps ou de l'ensemble de son corps, d'être déshumanisé en fonctionnant comme une machine, ...etc. L'incompréhension de l'entourage ou des personnes qui veulent aider peut apparaître également quand la personne est débordée par ses émotions. L'angoisse peut se manifester chez les personnes qui accompagnent la victime par des jugements dévalorisants ou culpabilisants : "C'est toujours à toi qu'il arrive des choses pareilles !", "Tu dois faire quelque chose pour que ça t'arrive !", "Ce n'est pas grave. Arrête de ressasser. Arrête d'être négative !", "Au lieu de vous plaindre, essayez d'être utile aux autres, "Vous êtes trop naïf ! La prochaine fois, méfiez-vous !", "Ca n'a pas l'air de vous toucher. Vous êtes sûr que vous ne l'avez pas cherché ?",...etc.

Il est nécessaire d'avoir rencontré et traversé ses propres angoisses, ses sentiments d'impuissance personnels pour accompagner, écouter une personne qui a été victime. 

E. La peur qu'ont les victimes de consulter :

Il est nécessaire de prendre conscience que la peur dirige notre vie lorsque nous avons été victimes d'un traumatisme. Le nier nous expose à rencontrer de nouveaux prédateurs humains qui perçoivent les réactions de figement des victimes et en profitent.

Ce déni expose aussi à une détérioration de la santé physique et mentale, car la dissociation traumatique provoque à long terme des problèmes de santé, comme les maladies cardiovasculaires, les maladies liées à un affaiblissement de l'immunité.

Le stress chronique ronge véritablement la victime de l'intérieur et l'incite à recourir à des anesthésiants pour le supporter. (alcool, drogues, médicaments, relations sexuelles compulsives, des excès de vitesse, ...etc). Le déni, "faire comme si cela n'était jamais arrivé" entraîne beaucoup de problèmes. La victime, par exemple, a tendance à vouloir trop contrôler son entourage ou sa vie, à exploser de colère par moments de façon inappropriée et blessante pour autrui.

Ou bien, la victime reste distante avec ses proches, n'ose plus s'engager dans une relation par peur des émotions, du ressenti. Les autres le vivent mal et des jeux de pouvoir destructeurs peuvent en résulter.

La personne traumatisée peut développer toutes sortes de comportements d'évitement qui peuvent handicaper sa vie (ex. des comportements phobiques, comme la phobie de l'avion).

Si la personne a fait des démarches thérapeutiques qui ont abouti à des incompréhensions, elle peut craindre de consulter à nouveau et d'être à nouveau maltraitée.

F. Choisir de vivre plutôt que de survivre :

Choisir de vivre, c'est choisir de rencontrer son traumatisme, mais en toute sécurité, avec la méthode appropriée et avec une personne capable d'accompagner les victimes. Il est peut-être nécessaire pour certains de libérer un trop plein d'émotions. Pour d'autres, il est important d'abord de mettre des mots sur un vécu, de sortir de la confusion, de reconstituer un récit de vie. Pour d'autres encore, il s'agit de trouver des solutions concrètes, immédiates et urgentes. La victime peut choisir le bout de la pelote de laine par lequel commencer à se soigner.

Il est possible de guérir d'un traumatisme et de retrouver la joie de vivre, le bien-être et la sérénité en retraversant celui-ci et en se libérant de la mémoire traumatique.

La personne victime découvre que ces évènements ne sont pas généralisables et répétitifs à tout jamais.

Elle peut retrouver confiance en la vie. Elle peut reconstruire son estime d'elle et se donner le droit d'être heureuse, parce qu'elle a affronté et neutralisé ces choses terribles de son passé.