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Stratégies victimaires et perversion narcissique : comment s'en protéger ?

Le 12 avril 2023
Stratégies victimaires et perversion narcissique : comment s'en protéger ?
Les stratégies victimaires d'une personnalité perverse narcissique font partie de la guerre psychologique engagée contre sa proie. Il peut ainsi inverser les rôles et dominer par ses manipulations subtiles. Les identifier permet de s'en protéger.

Perversion narcissique et victimisation

L'individu qui fonctionne constamment de façon pervers(e) narcissique (PN) exerce de façon machiavélique une guerre psychologique dans ses relations. Il organise la destruction de sa proie par le biais de sa manipulation, de ses violences imprévisibles et invisibles. En effet, d'ordre essentiellement, psychologique et verbales, sans témoins, elles ne sont pas souvent identifiables en Justice. Sa manipulation et ses violences affaiblissent de plus en plus l'identité de sa proie et lui permettent dominer.

Ses stratégies victimaires sont des stratégies de guerre. Elles font partie d’un plan, d’un calcul pour obtenir ou conserver l’emprise sur sa proie ou son entourage. Cette emprise est basée sur un contrat tacite de sacrifice. Il annonce qu'il est prêt à se sacrifier pour l'autre et exige le même désir. Il fait croire qu’il va faire pareil, mais c’est à sens unique en réalité. Sa proie doit renoncer à elle-même.

Si elle manifeste la moindre subjectivité, il la harcèle moralement et la détruit à petit feu. La perversion narcissique est un refus toute différenciation. La proie doit fusionner avec le ou la pervers()e narcissique et s'effacer à son profit. C'est ainsi que le PN peut l'exploiter et épuiser ses ressources, sans empathie, sans culpabilité, sans sentiments, froidement. Même s'il affiche des valeurs, c'est par stratégies, car en réalité, son mode de fonctionnement est la prédation.

Les stratégies victimaires

Parmi ses stratégies victimaires, le pervers narcissique adopte le rôle de Victime quand il tente de séduire une proie empathique et altruiste. Ce rôle a été décrit par Karpman à propos du Triangle Dramatique Victime/Sauveur/Persécuteur. Il évolue constamment avec ces jeux de rôle et entraîne sa proie dans ses jeux destructeurs.

Il se présente malade, victime de ses ex., de sa famille. Dans ce cas, il mime la souffrance, l’émotion, mais il ne la ressent pas. Il formule des plaintes vagues, non vérifiables. Il transforme la réalité des faits à son avantage, amplifie les erreurs d’autrui et minimise les siennes pour faire croire qu’il est victime. En réalité, il est l’agresseur et tente de dominer l'autre. Il stimule ainsi le désir de protection de sa proie. Ou bien, il joue la victime en culpabilisant celle-ci. Il peut adopter ce rôle s’il a affaire à des intervenants sociaux qu’il tente d’instrumentaliser pour détruire sa proie. Il inverse les rôles et formule des plaintes sans fondements. Il se présente sous un jour fragile, malade physiquement ou psychologiquement. Il n'assume pas ses responsabilités et fait porter à sa proie la responsabilité entière des problèmes ou de ses erreurs.

Par exemple, une patiente me racontait que son mari la culpabilisait à son retour du travail si elle avait le projet d'aller au restaurant avec ses amies : « Au lieu de sortir, tu aurais pu m’aider à ranger la cuisine. Je dois tout faire ici ». Si elle rentrait un peu plus tard, il lui faisait un reproche sur un ton culpabilisant « D’où viens-tu à cette heure donc ??? ». Il l'avait aidée pour certains achats, des réparations à la voiture ou dans la maison, mais c’était un calcul pour ensuite, la mettre en dette et la culpabiliser « Tu n’as aucune reconnaissance ! Avec tout ce que j’ai fait pour toi ! ». Il proposait de faire le souper si elle avait une douleur corporelle. Elle avait cru, au début de la relation, à de la gentillesse, mais elle s’est rendue compte que ce n’était pas de l’empathie. Il s’agissait de la dérouter, de la rendre confuse par des messages paradoxaux alternant fausse gentillesse, puis phrases assassines ou attitudes violentes, comme par exemple : « Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ? Rien ! Tu es encore restée sur ton gros cul dans le fauteuil ! ». Cette confusion la rendait incapable de réfléchir et de prendre du recul pour analyser et comprendre ses stratégies de victimisation. Si son mari oubliait un jour de vider la poubelle ou de fermer le verrou de la porte d’entrée, ce qu’il faisait tous les jours, il la culpabilisait et c’était toujours sa faute : « Je fais tout ici. Sans moi, tu es incapable de te débrouiller ! ». Si elle allait à une réunion de travail, il la culpabilisait : « Vas-t’amuser ! Tu ne penses qu’à ça. Tu es une égoïste ». Le pervers narcissique fait percevoir à sa proie une souffrance qu’il met en scène et qui n’est pas réelle pour attirer l’empathie et la compassion, comme s’il était celui ou celle qui a le plus souffert, qui a les plus gros problèmes et les plus urgents. Il crée des situations d’urgence et de fausse détresse pour manipuler sa proie et l’empêcher de réfléchir. Il peut ainsi induire des choses sans qu’elle s’en rende compte, au niveau de la pensée, de l’émotion ou de l’action. Il évite de faire une demande précise, mais évoque un mal-être, un problème sans solutions pour que la victime empathique vole à son secours. Il monopolise ainsi son attention afin qu’elle prenne ses responsabilités à sa place, que ce soit sur le plan psychologique, relationnel, émotionnel, matériel ou financier. Ou bien, il accuse la victime de ses malheurs pour l’affaiblir dans son estime de soi, la culpabiliser et lui faire faire ce qu’il veut. 

Une autre stratégie victimaire est le rôle de Sauveur quand il rencontre une victime réelle, traumatisée, dépressive ou en burnout, en attente d’aide et de satisfaction des besoins frustrés de son enfance. Il mime l’attitude d’une personne altruiste et bienveillante pour séduire sa proie, mais il ne ressent pas de désir d’aider réellement autrui, car il est animé par la malveillance et fondamentalement égocentrique. Un patient venait de perdre sa femme d’un cancer long et douloureux. Sa nouvelle compagne s’est présentée en Sauveur en lui manifestant une fausse écoute, une fausse aide. En réalité, elle lui posait des questions pour savoir sur quel levier elle pourrait ensuite agir pour le blesser et le faire souffrir. Une patiente souffrait d’un burnout. En arrêt maladie, elle ne pouvait plus travailler et gérer son salon de coiffure. Son mari, décrit par elle avec les caractéristiques de la perversion narcissique, l’a engagée dans son entreprise en lui laissant le temps de se reposer. Elle est tombée amoureuse de cet homme Sauveur qui semblait si généreux et compréhensif pour son état. Mais, c’est ainsi qu’il l’a mise sous emprise. Il a utilisé son talent créateur pour l’exploiter par des heures de travail supplémentaires et l'appropriation de ses idées novatrices. En réalité, il lui a fait découvrir qu’il était froid, insensible, sans empathie, absent et tyrannique avec elle. 

Le pervers narcissique adopte le rôle de Persécuteur quand il a installé l’emprise. Il fait souffrir sa proie pour ne pas ressentir la souffrance niée en lui depuis l’enfance : dénigrer, culpabiliser, se moquer, donner des leçons, menacer, faire du chantage affectif, minimiser sa violence, dramatiser les failles de sa proie, …etc. Il joue le rôle de Persécuteur si sa proie affirme son identité et n’accepte pas de s’effacer, de se sacrifier pour lui. Il adopte aussi ce rôle quand la victime réelle lui a échappé, car il est animé par la vengeance. Par exemple, le mari de la patiente citée plus haut traitait sa femme de « vicieuse », parce qu’elle s’était préparée pour aller au restaurant un soir avec ses amies. Un jour, ma patiente lui a raconté ses réussites professionnelles. Il regardait l’écran de son téléphone au lieu de la regarder et après son récit, il a conclu « Tu as fini ? ». Il montrait ainsi son mépris et son absence totale de reconnaissance positive habituelle. Quand elle a voulu se lancer dans la nouvelle activité qui lui correspondait réellement, il a juste dit : « Tu te crois dans un film ? ».

Comment s'en protéger ?

1. S’en tenir aux faits et ramener aux faits, car la plainte est souvent générale, floue pour éviter de prendre ses responsabilités.

2. Faire préciser pour analyser les problèmes dans leur contexte, sortir du flou.

3. Ne pas prendre 100% la responsabilité des problèmes. Souvent, la proie d’un PN est hyper-responsable, alors que le PN ne prend pas ses responsabilités et culpabilise la victime pour qu’elle prenne toutes les responsabilités. En analysant la responsabilité de chacun, il est important de voir ce que l’on peut changer et ce que l’on ne peut pas changer, par exemple, la personnalité du PN, ses stratégies victimaires.

4. Ne pas se laisser culpabiliser en prenant du recul. La prise de recul, c’est voir l’ensemble de la situation, voir à qui on a affaire. Venant du PN, la culpabilisation est une de ses stratégies d’emprise. C’est son problème et non la faute de la victime. Il est important aussi de distinguer faute et responsabilité. La faute implique que l’on a fait quelque chose de mal. Prendre du recul aussi par rapport à l’image négative que l’on a de soi, image qui peut être liée à des traumatismes de son passé, est utile pour ne plus se laisser culpabiliser par les stratégies victimaires du PN.

5. Travailler sur une trop grande remise en question si on a une intelligence à haut potentiel, car cette façon de réfléchir encourage à une continuelle remise en question de soi. C’est un piège avec un PN, car il utilise cette qualité au détriment de sa proie.

6. Orienter davantage l’empathie vers soi, car souvent, la victime manifeste une empathie envers le PN dont il ne veut pas. Il refuse l'intimité émotionnelle, car il est coupé de son corps. Il veut garder le pouvoir. Il utilise l'empathie de l'autre à son avantage pour exploiter sa proie.

7. Désamorcer la plainte ou la critique dévalorisante du PN en faisant préciser ce qu’il ressent ou ce dont il a besoin et comment il compte satisfaire son besoin. Cela le renvoie à ses responsabilités.

8. Identifier ses émotions et ses besoins pour mieux définir ses limites et ne plus se laisser manipuler.

9. Connaître ce qui est important pour soi afin de rester ferme dans ses limites et le respect de ses besoins.

10. Renforcer son sentiment de sécurité intérieure afin d'être ancré et de rester ferme dans la pose des limites, malgré les plaintes répétées.

11. Satisfaire ses besoins pour ne pas être tenté de chercher les solutions à l'extérieur de soi (attente d'un Sauveur ou vouloir sauver l'autre).

Contact

Christine Calonne psychologue psychothérapeute à Liège et à Namur peut vous aider à faire face aux stratégies victimaires de la perversion narcissique. Vous pouvez prendre contact si vous souhaitez mieux comprendre cette pathologie et vous en protéger.