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Perversion narcissique et transmission transgénérationnelle

Le 22 avril 2019
Perversion narcissique et transmission transgénérationnelle
La personnalité perverse narcissique est décrite dans cet article avec ses racines dans l'enfance. Elle est construite par transmission transgénérationnelle de la violence, de la banalisation du mal, sur un modèle d'endoctrinement de type sectaire.

Christine Calonne, psychologue spécialisée dans l'aide aux victimes de pervers narcissiques, présente dans cet article la personnalité perverse narcissique comme une construction dont les bases se retrouvent dans l'enfance. C'est la transmission transgénérationnelle de cette personnalité qui explique la manière dont le pervers narcissique hérite d'une culture familiale de la violence, de la banalisation du mal et des jeux de pouvoir.

A. La perversion narcissique :

La perversion narcissique est une personnalité séductrice et charismatique.

Cette séduction est présente en public constamment, car le pervers narcissique contrôle chacune de ses paroles, chacun de ses gestes pour hypnotiser son auditoire, persuader et remporter le pouvoir.

Son obsession du pouvoir lui permet d'être un fin calculateur, capable de dire à l'autre ce qu'il a envie d'entendre, à seule fin de l'envahir psychiquement et de prendre le contrôle de son esprit.

Cette colonisation de la conscience de sa proie se fait par un envahissement rapide qui ne laisse pas le temps de penser, de prendre du recul et de faire preuve d'esprit critique à l'égard de ce qui se passe.

Le pervers narcissique envahit l'autre tant par son flot de paroles, notamment des flatteries, la recherche de points communs, que par ses offres de protection, son comportement de sauveur.

Mais, en réalité, il ne cherche pas réellement à aider autrui. Il est tout sauf altruiste.

Sous l'apparence d'une personne affichant des valeurs (il n'en a pas), il met en confiance son interlocuteur, stratégie qui vise à endormir sa proie pour mieux la maîtriser. 

Il ne peut écouter l'autre réellement, car son ego surdimensionné le rend totalement auto-centré, incapable d'empathie, de se mettre à la place de l'autre, incapable de satisfaire son besoin ou son désir. Il préfère se positionner en victime, inverser les rôles pour ne pas prendre la responsabilité de la relation de destruction qu'il installe. Il se fait facilement passer pour la victime, car il contrôle tout et joue très bien la comédie.

Insatisfait, psycho-rigide, il ne cherche qu'à accroître son pouvoir social, financier, matériel, car il est en état de survie. Par ses exigences, une discipline de fer, un mode de vie spartiate, il exploite autrui.

Il refuse le dialogue et toute remise en question menaçant sa volonté de toute-puissance.

Il maltraite l'autre, sans s'excuser, souffle le chaud et le froid, en sentant jusqu'où il peut aller dans la destruction pour garder le pouvoir.

Cet état de survie se manifeste par une dissociation complète de son vécu intérieur, un déni de ses conflits profonds. Cette dissociation lui a permis de survivre à des traumatismes de l'enfance.

Après avoir séduit sa proie, il peut exercer sur elle une emprise durant laquelle il exerce un harcèlement moral au quotidien, la violence psychologique, en privé. Ce harcèlement vise à affaiblir la victime par la dévalorisation, la culpabilisation, la menace, le chantage, l'isolement, l'insulte, l'ironie, la moquerie, un silence boudeur et culpabilisant, ...

La violence verbale peut être accompagnée de violence physique, sexuelle, économique.

Cet affaiblissement lui permet d'exploiter la victime et de la détruire. Il jouit de sa destruction et ne supporte pas ses manifestions de joie et de bien-être, puisqu'il est réduit à une insatisfaction chronique.

B. La transmission transgénérationnelle de la perversion narcissique :

Cette personnalité prend ses racines dans l'enfance, dans un milieu familial au fonctionnement sectaire.

Un parent a adopté le rôle de gourou et endoctrine la famille, exerçant un lavage de cerveau sur ses membres.

Il leur inculque le sacrifice de soi, la dureté, l'insensibilité, la volonté de ne compter que sur soi pour survivre dans un monde hostile.

Il exerce les 5 formes de violences sur ses enfants : le rejet, la mise sous terreur, l'isolement, l'exploitation et la corruption, la négligence affective.

Il prive affectivement pour accroître la dépendance des enfants et les menacer d'abandon ou de rejet s'ils ne sacrifient pas leur moi sur l'autel du parent gourou.

Celui-ci contrôle leur pensée, nie leurs émotions, interdit toute autonomie.

Il interdit surtout la colère envers lui en présentant ce contrôle comme une mesure de protection.

L'enfant croit que c'est pour son bien, apprend à nier ses émotions et ses besoins. Il intériorise le parent agresseur-séducteur et le protège pour éviter le rejet, ce qui est l'équivalent d'une mort certaine à cet âge.

Il développe le syndrome de Stockholm.

S'il se sacrifie, il est utilisé comme faire valoir, enfant parfait, bras armé du parent PN, ...

Le parent gourou peut se comporter en copain, sans règles stables ou en tyran selon ses humeurs, ses désirs.

Mais, si l'enfant refuse de se sacrifier, il devient le bouc émissaire du parent gourou.

Le parent gourou peut exercer toutes les violences sur ses enfants comme sur son partenaire : psychologiques, verbales, sexuelles, économiques, physiques.

L'enfant terrorisé souffre de stress chronique, le stress post-traumatique et en grandissant s'autodétruit, mécanisme d'auto-sabotage lié au déni de la colère.

Cette autodestruction le pousse vers des comportements à risque, addictifs (sexuels, en voiture, violences, anorexie-boulimie, jeux vidéos à outrance, drogues, alcool, ...). 

N'étant pas reconnu et aimé pour lui-même, cet enfant ne sait pas reconnaître les autres, leur faire des compliments, reconnaître leur différence. En s'identifiant au parent PN, il harcèle certains enfants à l'école, un frère ou une soeur, les animaux, un professeur, devient leader pour maltraiter et dominer, ...

Mais, il peut charmer la plupart des gens en public comme son parent gourou et devenir populaire.

Ou bien, il s'identifie au parent victime, refuse de devenir si dur et maltraitant.

C'est le cas s'il veut préserver sa sensibilité, ses capacités d'empathie. Il tente de protéger l'autre parent.

Il devient la cible du parent gourou.

Il risque d'évoluer vers une attitude de sauveur sans prendre soin de lui, de ses émotions et de ses besoins.

Manquant de reconnaissance, il croit trouver une identité dans l'aide à autrui, ce qui fait de lui une proie facile pour d'autres pervers narcissiques à l'âge adulte.

Le manque d'identité de ces enfants les rend vulnérables pour les sirènes de toutes les formes de sectes et de gourous, une fois adulte.

Manquant d'esprit critique, ou trop empathique, l'enfant ne se respecte pas, n'arrive pas à dire non et à se protéger.

Il est facilement manipulable, car il n'est pas ancré et centré sur ses émotions, besoins, désirs. 

C. Sortir de la transmission transgénérationnelle :

Aider l'enfant à se centrer, à être ancré dans son corps, ses émotions, ses besoins et ses désirs hors de la relation au parent gourou peut encourager celui-ci à construire son identité mise à mal.

Inculquer à cet enfant les valeurs fondamentales et servir de modèle peut l'amener à sortir de la banalisation du mal que le parent gourou pratique au quotidien. 

Mettre des limites fermement, ne pas céder aux pressions psychologiques de l'enfant ou du parent gourou et se respecter peut aider cet enfant à reconnaître et à respecter les limites.

Engager un dialogue constructif avec lui peut lui apprendre que la communication peut être basée sur la bienveillance, la prise de responsabilité de ses besoins, de ses émotions, de ses actes pour négocier avec autrui dans le respect.

Nommer les comportements inacceptables de l'enfant, que ce soit des violences ou des comportements manipulateurs, expliquer leurs conséquences en termes de menace pour la relation de confiance et de sécurité peut l'encourager à dialoguer dans l'authenticité.

L'encourager à identifier derrière ses jugements ou ses douleurs physiques les émotions et les besoins frustrés va l'aider à être plus bienveillant envers lui-même, plus aimant et doux envers ce qu'il ressent.

Lui donner l'affection, les mots doux dont il a besoin pour se sentir aimé, sécurisé dans un lien d'attachement va l'aider à grandir malgré le manque d'amour du parent gourou.

Soutenir ses initiatives pour être autonome, responsable et libre peut l'inciter à refuser l'identification à laquelle le parent gourou le pousse, identification à l'agresseur, adoption de croyances limitantes sur lui "T'es bête, t'es nul, tu n'y arriveras pas, tu ne sais rien faire seul, ...". Ce soutien l'autorise implicitement à se donner le droit de penser et ressentir par lui-même, de développer son projet de vie qui n'est pas la projection du désir de son parent gourou sur lui.

Etre un modèle d'ouverture sur le monde, sur la différence peut l'aider à sortir de la méfiance, du culte de la force et du pouvoir inculqué par le parent gourou.