S'il y a des conditionnements en nous qui nous déterminent à faire certains choix à cause de notre éducation ou de nos traumatismes psychiques, il y a possibilité de nous libérer de ceux-ci afin d'être pleinement nous-mêmes et de nous épanouir.
La reconnaissance de ces conditionnements et de ces traumatismes suppose de développer une conscience de soi, une capacité d'observation de nos comportements et de nos ressentis sensoriels ou émotionnels. C'est l'Adulte observateur en nous qui peut aller à la rencontre des parties de notre moi en souffrance ou en attitude de survie.
Cette conscience de soi n'est pas un mécanisme rationnel, mais une écoute émotionnelle, empathique et bienveillante de nous-même. Elle peut se développer de différentes manières, que ce soit par la méditation pleine conscience, l'écoute des sensations lors d'un moment passé à ne rien faire, à marcher dans la nature, ...etc. Nous pouvons nous arrêter un instant durant la journée et se demander "Qu'est-ce que je ressens ? Qu'est-ce qui est important pour moi maintenant ? Pourquoi ai-je adopté ce comportement ?". Nos conditionnements ne sont pas une fatalité.
Ces questions peuvent nous aider à nous reconnecter à notre Enfant intérieur afin de mieux le comprendre, l'aider à se libérer des souffrances du passé. Souvent, cette part Enfant de nous est enfermée dans le passé, dans ces souvenirs douloureux où il n'a pas été écouté, compris, soutenu, aidé. Il est resté dans l'impuissance, l'insécurité, seul avec sa souffrance. L'Adulte en nous peut aller à sa rencontre afin de le reconnaître, avec empathie et bienveillance, de l'aider à trouver des solutions à sa souffrance passée. L'Adulte en nous peut transformer les souvenirs et les douleurs du passé pour vivre plus pleinement l'instant présent. Il peut libérer cette énergie des émotions bloquées dans le passé pour être davantage vivant, fort et capable de prendre soin de soi.
Cette libération passe par la reconnexion au corps, au ressenti, aux sensations et aux émotions. La reconnexion à soi nous aide à renforcer notre capacité à ressentir un sentiment de sécurité, de bien-être. Elle donne à la partie Adulte de notre moi les ressources nécessaires pour prendre soin de soi. Elle permet de développer de la bienveillance et de la compassion pour les parties de nous blessées, mais aussi celles-ci qui tentent de nous protéger d'une souffrance du passé sans y arriver : vouloir tout contrôler, vivre sa vie comme une lutte constante, s'anesthésier avec des médicaments, de l'alcool, des comportements à risques, de la boulimie, une addiction au travail, à internet, fuir dans un monde virtuel, ou bien se figer et subir sa vie. L'Adulte en nous peut nous aider à prendre du recul par rapport à nos façons habituelles de nous défendre et de nous protéger de cette partie blessée en nous. Nous pouvons dialoguer avec ces parties défensives parfois nocives pour notre épanouissement. Les reconnaître, les aider à percevoir d'autres solutions pour protéger l'Enfant en nous, peut les sortir de l'enfermement dans le passé. Nous pouvons les transformer. Nous pouvons découvrir d'autres façons plus positives de satisfaire nos besoins fondamentaux, de soigner les blessures du passé.
Mais, quand il s'agit d'un enfant de parent pervers narcissique, il est plus difficile d'y arriver, car son parent lui a interdit d'écouter son corps et son coeur sous peine de représailles. Il a été conditionné à se nier et à se soumettre, par impuissance apprise, à la volonté de son parent.
S'il n'a pas reçu d'écoute, d'aide et de réconfort, comment peut-il à l'âge adulte se libérer de ce conditionnement ? Les traumatismes complexes qu'il a accumulés depuis parfois la vie foetale l'ont conditionné à vivre sous terreur, à anticiper le danger en toute circonstance, dans un état d'hypervigilance. Ceux-ci peuvent l'avoir poussé, parfois, à adopter certaines parties défensives semblables au parent agresseur (syndrome de Stockholm). Il faut alors qu'une rupture, un accident, un traumatisme nouveau réveille la partie blessée, l'Enfant intérieur terrorisé, pour cesser de se défendre par l'agression, le contrôle, la fuite ou le figement. La transmission transgénérationnelle des traumatismes peut s'arrêter.
Charlie a vécu dans le déni des violences subies dans la relation à ses parents pour survivre. Il n’avait pas « la notion de la violence ». Il consulte à 42 ans suite à la lecture de mon site en 2017 et de mon livre « Les pervers narcissiques, récits et témoignages » (éd. Ellipses 2019). En lisant ce livre, il est sorti du déni, car il s’y est reconnu comme victime d'un père ayant tous les traits de la perversion narcissique. Jusque là, il trouvait toujours des excuses à ses parents et à son frère pour leurs violences. Il croyait qu’ils allaient changer. Il avait perdu le restaurant qu’il avait créé suite à une faillite. Celle-ci avait été programmée par son père. Son père était misogyne et castrateur, calculateur, sournois, incapable de reconnaître ses erreurs et ses torts, séducteur en public et destructeur à la maison. Comme il était né dans la violence, il ne pouvait pas la percevoir. Son petit frère l’avait imité. Sa maman avait des comportements pervers, hostiles envers lui depuis qu’il était embryon, car elle ne voulait pas de lui. Il a du lutter pour ne pas mourir de désespoir et de terreur. Il est né quatre semaines à l’avance et est allé en couveuse. Charlie se percevait comme le mouton noir de la famille. A l’école, les autres enfants se moquaient de lui. Il était persuadé d’être laid. Il était terrorisé, triste, dégoûté, en colère. Mais, il était hypervigilant et il ne le montrait à personne, car c’était se mettre en danger. De plus, il s'était suradapté et se montrait très gentil envers les autres. Il n’avait pas de mallette, de plumier. Il était dans la lune et regardait par la fenêtre. Enfant, il était déjà « un mec" pour survivre. Sa mère le frappait, lui donnait des claques (beaucoup moins à ses deux frères) ou lui lançait des objets à la figure. Il a gardé une cicatrice, avec sept points de suture à la lèvre suite au jet d’une tasse sur son visage. Charlie avait pleuré à ce moment là et son père s’était moqué de lui en l’appelant « tchoulot » et en lui reprochant d’être « susceptible ». Son père se fâchait et le punissait de façon imprévisible. Il tapait fort sur la table pour le terroriser. Puis, ses parents et son frère aîné finissaient par être violents l’un envers l’autre, en hurlant. C’était interdit de se défendre, de demander de l’aide, de s’estimer. Mais à l’adolescence, en ayant pris des forces, il a cessé d’être frappé par sa mère. Comme elle n’avait pas l’intelligence stratégique et sournoise de son mari, elle n’exerçait pas de violences psychologiques sur Charlie. Son père se méfiait de Charlie adolescent, car un adolescent peut être spontané. Il n’a rencontré aucune personne bienveillante qui puisse lui dire que ses parents se comportaient mal. Mais, son père a exercé à nouveau sa violence psychologique à l’âge adulte. Charlie pense que son père avait un sentiment d’infériorité qu’il niait, en n’ayant pas pu terminer ses études secondaires. Il ne pouvait imaginer que Charlie le dépasse, car Charlie voulait faire des études d’ingénieur du son. Son père a tout tenté pour le casser par des moqueries, des humiliations, en ne lui donnant pas d’argent pour qu’il mange suffisamment lorsqu’il restait à son kot la semaine, …etc. Pourtant, Charlie revenait à la maison chaque weekend. Ses parents, eux, ne passaient jamais à son kot pour lui rendre visite. Son père avait réussi à le faire échouer en le harcelant particulièrement au moment d’étudier pour les examens. Dans cette ambiance, Charlie n’avait plus le moral pour étudier. Mais, à l’extérieur, son père se présentait comme un bon père, faisant tout pour que son fils réussisse. Ses parents jouaient avec lui comme avec un jouet. A 25 ans, Charlie a repris des études en hôtellerie pour ouvrir un snack. Mais, Charlie était toujours sous l’emprise de son père. Celui-ci l’a poussé à acheter un fond de commerce que Charlie n’imaginait pourtant pas rentable, car le snack était petit. Le prix proposé ne correspondait pas. Il savait qu’il risquait la faillite, surtout qu’il devait prendre du personnel. Mais, il ne pouvait s’opposer à son père, d’autant plus qu’il utilisait un langage paradoxal. Il lui disait « fais comme tu veux », tout en ne le soutenant pas s’il n’obéissait pas. Mais, Charlie ne pouvait pas admettre que son père soit malveillant et il a acheté le commerce. Son père avait toujours fait du chantage affectif et financier. Charlie avait peur de perdre ses parents et ne pouvait leurs résister. Deux ans, plus tard, c’était la faillite. Charlie s’est retrouvé à la rue avec son chien. Sans ressources, Charlie est parti dans le sud, comme saisonnier, parce qu’il y était nourri et logé. Depuis ses 17 ans, Charlie a survécu grâce à la nature, grâce à l’usage de drogues et grâce à la musique qui le faisait rêver. A 37 ans, Charlie s’est retrouvé au CPAS, car à chaque petit boulot, il était harcelé, diffamé et calomnié. C’était la répétition des violences qui le rendait fou et le désespérait. Il aurait préféré être vraiment fou pour que ça s’arrête. Il ne savait pas se défendre et ses agresseurs le remarquaient directement. A chaque fois, il était mis dehors, ou bien il partait. Au CPAS, les gens ont remarqué son effondrement psychologique et on lui a dit de prendre soin de lui. Il ne comprenait pas, car son déni lui avait toujours permis de rebondir. Mais, à la lecture de mon livre, il fut choqué par ce qu’il découvrit sur sa famille, sur la violence. Il demanda à être hospitalisé en psychiatrie durant cinq semaines, car il était épuisé, avec des idées de suicide, comme s’il venait de subir un accident de voiture. Cette fois, il ne pensait plus à rebondir, mais à être aidé. Quand il m’a consultée, il venait d’apprendre par un ami que son père était mort un an avant. Il ne l’avait plus vu depuis la faillite, car il aurait encore subi des moqueries ou des reproches. Avec son hospitalisation et la psychothérapie EMDR, il a pris conscience de la manière dont sa famille a programmé sa destruction et l’inutilité d’espérer encore un changement de leur part. Cela l’a aidé à sortir de l’isolement. Mais, il était épuisé et ressentait une phobie à l'égard des autres tellement son père et sa mère avaient abusé de sa confiance. Son petit frère l’a maltraité comme son père, par des moqueries, des dénigrements, persuadé d’avoir réussi seul à faire évoluer le groupe de musique où ils jouaient ensemble. Charlie avait voulu le protéger et l’aider quand il était petit. Pour Charlie, la violence psychologique, c’est le pire, car elle ne laisse pas de marques. Elle crée, après, des doutes et des remises en question perpétuelles. Pour son frère, tout était apparence, spectacle, mimétisme, manipulation et jeu avec les émotions. Son frère avait joué avec les émotions de Charlie, car il n’en avait pas, excepté la haine et l’envie. Si Charlie ne se laissait pas faire, son frère le traitait de paranoïaque et lui disait qu’il lui volait sa vie. Il était venu me voir il y a deux ans, après la lecture de mon livre, car la prise de conscience l’avait plongé dans les traumatismes non identifiés jusque là. C’était un traumatisme en soi de prendre conscience de tout cela. Il m’avait consulté avant son hospitalisation pour décrire ce qu’il avait vécu sinon c’était trop dur. Durant l’hospitalisation, il a pu se sevrer des drogues. Son chien était mort quelques mois avant son père, car celui-ci avait réussi à le détruire. Charlie avait reçu son chien de la portée de sa mère. Avec Charlie son chien avait évolué, car Charlie l’aimait. Puis après la faillite, son père l’a rendu à nouveau malheureux. Il en est mort. Son chien et la nature l’avait aidé à survivre à la haine de son père, héritée de son propre père. Il a donné beaucoup à ses parents, car il les avait acceptés avec beaucoup d’empathie, sans jamais exister pour eux. C’est ainsi qu’il fonctionne avec les autres, mais il n’y a jamais eu d’empathie en retour. Il éprouve de la culpabilité à ne pas voir sa mère. Il pleure et fait un travail de deuil par rapport à sa famille. Avec ce passé de violences répétées, l’idée de bonheur et de réussite professionnelle ou financière le fige de peur, car réussir ou être heureux c’est dangereux. Le but de son père était de détruire son sourire et son bonheur. S’il réussissait et était heureux, il attirait les « guêpes », car son père comme les autres pervers narcissiques ne supportaient pas son bonheur. Il avait un sentiment d’être dans une voie sans issue, sans solutions. La dépression le plongeait dans un trou, dans une peur « invisible », un désespoir sans fond. La nuit, ses cauchemars le réveillaient et il était figé de peur, avec le sentiment qu’il était puni d’être né. Son empathie et son désir de sauver les autres l’avaient entraîné dans la co-dépendance très souvent. Mais, le CPAS lui a ouvert une porte. Après le confinement, un atelier de réinsertion en cuisine lui fut proposé. Finalement, l’animatrice l’a encouragé à l’animer, car elle reconnaissait positivement ses compétences. Il a ressenti enfin un peu de confiance revenir. La psychothérapie lui a permis d’établir en lui progressivement un sentiment de sécurité, de renforcer ses ressources intérieures, son estime de lui, son amour pour lui, sa confiance. Il a pu se connecter à son enfant intérieur blessé, ce petit foetus rejeté dans le ventre de sa mère, figé de terreur, ce petit bébé laissé seul en couveuse, sans réconfort. Il a pu avec la psychothérapie EMDR créer une relation d’amour et de bienveillance avec lui et accueillir sa détresse, sa peur, sa colère, son chagrin puis progressivement, le réconforter et le protéger. La reconnaissance de son hypersensibilité et de son intelligence à haut potentiel émotionnel l’a aidé à retrouver espoir et confiance en lui. Il cherche sa voie et entreprend des tests de personnalité pour trouver le métier qui lui convienne le mieux. Il a retrouvé l'espoir et un sens à sa vie.