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Perversion narcissique et profil psychologique : validations scientifiques

Le 31 août 2019
Perversion narcissique et profil psychologique : validations scientifiques
De multiples auteurs scientifiques ont validé la perversion narcissique comme pathologie du narcissisme ou structure intermédiaire entre narcissisme et psychose. Je fais l'historique et la synthèse de ces recherches dans cet article.

A. La prédation, une dimension qui fait peur :

La perversion narcissique est souvent perçue comme un phénomène de mode, sans fondements scientifiques, au point que le mot devient aussi tabou que "vol de mort" dans Harry Potter. Cette association n'est pas un hasard.

Dans les deux cas, il s'agit de ce qui fait le plus peur à l'être humain, c'est à dire la dimension prédatrice de son fonctionnement psychologique. Pour beaucoup, il est difficilement acceptable que l'être humain porte en lui une part d'ombre aussi terrible.

Et pourtant, les guerres et leurs atrocités en sont un témoignage évident, particulièrement les génocides organisés, celui du peuple juif par Hitler, mais toujours actuellement, des génocides humains sont toujours présents à divers endroits de la planète. 

La peur que l'être humain refoule par volonté de contrôle explique pourquoi cette perception du réel est difficile à accepter. Cependant, si nous voulons accéder à une société plus humaine et plus juste, il est essentiel d'accepter nos peurs et de les transformer. Voir la part d'ombre autant que la part de lumière en l'humain permet d'accueillir toutes ces peurs et toutes ces colères refoulées en nous par rapport aux blessures de notre passé, afin d'accéder à un état de plénitude et de paix. La véritable paix est intérieure et résulte de ce processus d'intégration de nos parts blessées et niées dans notre passé.

De plus, cette pathologie mentale (bien que très adaptée par ses compétences relationnelles et sociales), depuis que la société du spectacle est devenue un modèle de masse, fait de plus en plus de ravages tout en étant encore peu connue. Elle s'accroît avec la domination de la loi du marché sur les lois humaines, la prédominance du paraître, du matérialisme, de la consommation à outrance, de l'expansion d'une société des loisirs qui distrait des questions existentielles. Ceci explique que de plus en plus de chercheurs scientifiques étudient le profil de la perversion narcissique.

B. Validations scientifiques de la perversion narcissique :

La perversion narcissique a été et est toujours étudiée par de nombreux scientifiques dans les universités et sur le terrain de la psychologie clinique, comme de la psychiatrie.

Les pervers narcissiques viennent en consultation quand ils perdent tout pouvoir ou quand ils ont un intérêt à voir un psy (manipuler, jouir de la violence verbale envers la victime ou le conjoint pervers devant témoin, ...).

1. Paul-Claude Racamier :

Cette pathologie mentale a été mise particulièrement en lumière par Racamier, psychanalyste. Dirigeant une institution pour psychotiques, il a pu observer que certains schizophrènes passaient d'états délirants, hors réalité, à une personnalité dont les mécanismes narcissiques et pervers devenaient prépondérants. En 1980, il a élaboré sa théorie de la perversion narcissique sur base de ses observations cliniques.

Le pervers narcissique a une personnalité dont les mécanismes narcissiques consistent essentiellement à se valoriser aux dépens d'autrui.

La dimension perverse y ajoute une jouissance à détruire, à voir l'autre souffrir ou être au plus bas.

Mais, les angoisses profondes et inconscientes sont de nature schizophrénique ou paranoïaque : angoisse d'anéantissement, de persécution, de démantèlement du moi.

2. Alberto Eiguer :

Psychiatre, psychanalyste et chercheur, il a décrit aussi la perversion narcissique comme une pathologie du narcissisme dès 1989.

Il décrit le PN comme un séducteur, séduisant par sa toute-puissance, son charisme, sa persuasion, sa fausse sympathie, ou bien sa tendance à se victimiser. Donneur de leçons, maître à penser, le pervers narcissique induit chez sa proie les pensées, les émotions, les actions qu'il souhaite qu'elle ait en paralysant son esprit critique par des messages paradoxaux. La confusion installée, la victime se laisse dominer et subit les violences perverses, les humiliations, le dénigrement, la culpabilisation, parce qu'elle est sous emprise. Idéalisée par le pervers narcissique dans la phase de séduction, elle est amenée à l'idéaliser ensuite dans une addiction relationnelle destructrice pour elle-même, puisqu'elle se sacrifie. Mais, les promesses de l'agresseur ne sont jamais tenues et cette symbiose l'amène à sa perte.

Eiguer publie en 2017 "Les pervers narcissiques" aux Presses Universitaires de France "Que sais-je ?". Il affirme que la perversion narcissique est plus qu'une dérive perverse du narcissisme, puisque, comme Racamier l'a observé, les angoisses inconscientes de cette personnalité sont de nature psychotique. Il en décrit le profil de personnalité et les causes dans l'enfance. Cette personnalité manifeste une absence de capacité créatrice, une hyepr-rationalité, une apparence parfaite, de la séduction, du dénigrement, de la culpabilisation, une victimisation, une absence d'empathie, un comportement de caméléon, de la prédation des ressources d'autrui, une absence d'identité, de la mégalomanie, un besoin insatiable de reconnaissance, du déni, du clivage, un double visage, une identification projective de ce qui est refusé en soi (tristesse, angoisse, culpabilité, mésestime de soi, douleur, ...), une absence de remise en question, une stratégie guerrière, un refus du dialogue, une absence d'authenticité, une absence d'éthique et d'humanité, ... Le fonctionnement familial est de type sectaire et n'a donné aucune reconnaissance de la personne de l'enfant.

3. Hurni et Stoll :

Psychiatres, ils ont étudié les couples pervers narcissiques dans leur consultation en sexologie, leur jouissance à se détruire par toutes sortes de violences verbales, psychologiques devant le thérapeute, témoin impuissant.

Ils ont mis en évidence l'arrière fond d'abus narcissiques et/ou sexuels dans l'enfance de ces personnalités (inceste ou incestuel). Dans leur livre "La haine de l'amour", publié en 1996, ils en démontrent les mécanismes pervers et narcissiques.

4. Marie-France Hirigoyen :

Dans son livre "Le harcèlement moral", en 1998, elle décrit la personnalité perverse narcissique, avec sa froide rationalité et comment ses compétences sociales lui permettent de séduire, d'accéder au pouvoir. Les pervers narcissiques sont bien accueillis dans cette société basée sur la loi du marché, où la compétition à outrance, accroît sans cesse l'exigence de rentabilité, d'efficacité à court terme, avec une dimension prédatrice, inhumaine présente dans le langage de nombreuses multinationales. La tendance à refuser de censurer ce genre de comportements en nommant les violences parmi les intervenants sociaux favorise la multiplication de cette personnalité. Elle décrit cette personnalité comme une pathologie du narcissisme (cfr. DSM5) avec un fond paranoïaque, son fonctionnement psychique et familial, ainsi que le profil des victimes, trop généreuses, altruistes, perfectionnistes, avec des antécédents traumatiques.

5. Le DSM5 :

Le manuel de psychiatrie américain DSM5 décrit le profil du trouble de personnalité narcissique selon les critères suivants :

1-Sens grandiose de sa propre importance.2-Absorbé par des fantaisies de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté et d'amour idéal.3-Sentiment d'être spécial, de n'être admis ou compris que par des institutions ou des gens spéciaux.4-Besoin excessif d'être admiré.4Tout lui est dû.5-Exploite les gens pour arriver à ses fins.6-Manque d'empathie, ne peut reconnaître les émotions et sentiments d'autrui.7-Envie les autres, et croit que les autres l'envient.8-Arrogant, hautain (mépris). 

6. D'autres auteurs, comme par exemple, J.C.Bouchoux argumentent pour décrire la perversion narcissique en tant que pathologie du narcissisme.

7. D. Barbier :

Psychiatre, expert aux tribunaux, il démontre dans "La fabrique de l'homme pervers", les rouages de notre société moderne, fabrique de pervers narcissiques par la propension à voir l'être humain comme un objet consommable et jetable, le paraître, la perte de la fonction paternelle (perte des limites mises aux enfants, perte de la capacité à supporter la frustration et à se dépasser, ...), mais aussi des carences affectives dans la relation à la mère vu l'hyperactivité sociale, professionnelle, au détriment de la tendresse, de l'écoute empathique, ou au contraire, une  suprotection fusionnelle où le père n'a pas sa place. Ces conditions favorisent, selon lui l'accroissement de la perversion narcissique dans notre société moderne.

C. Profil psychologique en 20 points :

La perversion narcissique inclut toutes les caractéristiques narcissiques, mais on peut y ajouter des traits pervers, des angoisses psychotiques inconscientes décrites par les auteurs précédents. Ces angoisses apparaissent quand le pervers narcissique perd tout pouvoir.

Profil psychologique par Christine Calonne :

J'ai synthétisé ces recherches et d'autres par un profil en 20 points dans mon dernier livre "Les pervers narcissiques, récits et témoignages" (Christine Calonne, éd. Ellipses 2019) :

1-Envahissement et vampirisation d'autrui.2-Absence d'empathie et froideur émotionnelle.3-Insatisfaction chronique.4-Dénigrement.5-Incapacité à aider sauf par intérêt.6-Isolement de la proie.7-Egocentrisme.8-Culpabilisation d'autrui.9-Incapacité à s'excuser sauf par intérêt.10-Déni (de la souffrance, de la loi, de la différence, de la mort, ...).11-Double jeu (comportement à la fois séducteur, puis destructeur).12-Obsession de l'image sociale.13-Persuasion et usage redoutable de la rhétorique.14-Souffle le chaud et le froid.15-Maîtrise l'art de savoir jusqu'où il peut aller pour détruire.16-Psycho-rigidité.17-Incapacité à supporter et à vivre le bien-être d'autrui, la joie.18-Inversion des rôles (se victimiser, parentifier l'enfant).19-Discours paradoxal pour rendre l'autre confus et le manipuler.20-Soulagement morbide à voir l'autre au plus bas.

Je décris dans ce dernier livre le fonctionnement familial de type sectaire de cette personnalité (famille d'origine et famille créée), expliquant la transmission transgénérationnelle de la haine, de la vengeance, du stress post-traumatique nié.

Je propose aussi un profil des victimes (HP ou antécédents traumatiques avec culpabilisation excessive et manque d'estime de soi), les séquelles de l'emprise sur elles sur les enfants du parent PN : stress post-traumatique et syndrome de Stockholm.

J'ébauche des pistes de traitement et de prévention au niveau familial et sociétal.