C’est le Docteur Bessel Van Der Kolk, ancien professeur de psychiatrie à la faculté de médecine d’Harvard et spécialiste des traumatismes, qui a bien décrit les mécanismes de réaction du cerveau face aux dangers. C’est souvent l’incompréhension des états de survie des personnes traumatisées qui les re-traumatise et qui empêche l’entourage d'adopter une attitude constructive. Van Der Kolk explique que notre cerveau s'adapte aux effets du milieu externe ou interne sur notre corps. Ce sont nos perceptions, sensations et émotions qui signalent à notre cerveau un déséquilibre ou un danger. Nos trois cerveaux se mobilisent pour rétablir notre équilibre : le cerveau reptilien, limbique et préfrontal. Le cerveau reptilien est le plus ancien. Il gère l’équilibre interne du corps. Il déclenche des réactions archaïques de survie : appeler à l'aide, combattre, fuir ou se figer face au danger. Le cerveau limbique permet de repérer ce qui se passe dans notre environnement, dans nos relations afin de s’y adapter. Il y arrive grâce à nos émotions, notre mémoire, grâce à l’amygdale, à l’hypocampe et au thalamus. Le cortex pré-frontal se mobilise pour analyser, comprendre, évaluer, planifier, ordonner, faire des liens entre les pensées, les souvenirs. Nos cinq sens envoient les informations vers l'amygdale, puis le thalamus. Il les relaie aux lobes pré-frontaux pour les analyser. Le thalamus les renvoie vers l’amygdale afin de vérifier si les informations n’indiquent pas un danger. C’est possible par la comparaison avec les informations déjà stockées en mémoire. L’amygale sert de système d’alarme, comme un détecteur de fumée, en cas de danger. Il repère les informations associées à la joie, à la paix et au plaisir. Il les différencie de celles associées à la peur et au danger.
Si une agression violente du monde extérieur survient, elle suscite une blessure, une destruction dans les connexions neuronales entre le thalamus et les lobes pré-fontaux. Par exemple, le parent crie à l’enfant « Tu es un incapable ! » si celui-ci renverse ses couverts. Cette blessure s’accompagne d’un blocage du fonctionnement du thalamus pour maintenir l’organisme en état de survie. Le traumatisme s'inscrit dans le cerveau limbique si l'enfant n'est pas réconforté dans sa détresse. Quand le parent exprime régulièrement des remarques humiliantes à son enfant, il entretient une relation de domination, une emprise psychologique. Si le système d’alarme de l'amygdale enregistre trop d’informations liées à la peur et au danger, la balance au sein du système penche trop vers la peur. Dans ce cas, la victime est constamment en état d’alerte, hypervigilante, hyperactive, prête à combattre ou à fuir à tout instant, envahie par la peur ou la colère.
Après l'emprise, toute humiliation ou tout événement ayant un point commun avec le souvenir d'humiliation peut déclencher à nouveau la mémoire traumatique. Par exemple, un collègue met en évidence une erreur afin d'aider la victime à ne pas la reproduire. Celle-ci peut le vivre comme une humiliation alors qu'il n'en est rien. Mais, le point commun avec le souvenir traumatisant est la mise en évidence de l'erreur. Son parent lui a régulièrement fait remarqué qu'elle était nulle, incapable. La victime ne s'autorise plus le droit à l'erreur à l'âge adulte, car son mécanisme de survie par la lutte ne lui autorise plus afin de ne plus ressentir la peur d'être incapable et d'être humiliée. Elle se lance des défis toujours plus grands. Elle ne met pas de limites à ses heures de travail, car elle voit ce qu'elle n'a pas fait plutôt que ce qu'elle a fait. Elle affiche des "to do list" qu'elle n'arrive jamais à réaliser. Elle s'auto-critique sans cesse.Elle procrastine par peur de l'échec et de se sentir nulle. Ou bien, elle trouve un refuge dans une addiction pour anesthésier sa peur : fuite dans son imaginaire, des projets qu'elle ne concrétise pas, par exemple. Pourtant, l'apprentissage se fait par essais et erreurs. C'est la relation traumatique vécue sous emprise qui a conditionné la victime à ne pas se donner le droit à l'erreur et à apprendre de celles-ci. Ses relations, par la suite, s'en trouvent perturbées. Elle a du mal à se faire confiance et à faire confiance. Elle interprète négativement ce qui n'est pas nécessairement exprimé avec une intention négative. Dans ce cas, le collègue voulait l'aider à améliorer son travail.
Les conséquences au niveau cérébral sont d’autant plus graves que ces violences sont intenses et répétées. On observe une augmentation du nombre de connexions neuronales brisées entre le thalamus et les lobes pré-frontaux, réduisant les capacités cérébrales. La victime perd petit à petit ses capacités de concentration, de mémorisation. Elle manifeste des difficultés, voire une incapacité à établir une chronologie de ses émotions et à les relier à une évènement traumatique, puisque sa conscience est altérée par les traumatismes répétés. Ne sachant pas définir clairement la cause de sa souffrance intense, elle entre dans le déni de son ressenti, du corps. Elle éprouve beaucoup de difficultés à demander de l’aide pour revivre après l'emprise.
Il est essentiel de sortir du déni pour soigner les blessures psychiques et cérébrales causées par l'emprise. Observer les séquelles au niveau relationnel peut encourager la victime à cesser de répéter des relations traumatisantes ou de souffrir de ses interprétations négatives par rapport à des relations bienveillantes.
Ensuite, il est important d'agir sur les trois cerveaux. C'est possible en apaisant le système d'alarme de l'amygdale. Identifier les mécanismes du survie trop rapidement déclenchés par un point commun avec les souvenirs traumatisants de l'emprise permet d'agir sur les peurs sous-jacentes. La victime repère, à partir de ses émotions et de ses sensations, quelles pensées négatives y sont associées.
Par exemple, la partie figée du moi de la victime est réactivée si elle entend son collègue remarquer son erreur. La victime se juge incapable et ressent de la honte, de la culpabilité, de la lourdeur et du froid dans le corps. Elle sort de cet état en observant ses réactions. Elle prend du recul pour s'apaiser par une respiration profonde et lente. Elle se rappelle ses qualités pour renforcer sa sécurité. Elle avance pas à pas et se félicite à chaque pas en avant. Elle n'est pas une incapable, la preuve, c'est ... Apaisée, elle dialogue avec son collègue au lieu de se replier et d'avoir des ruminations anxieuses et négatives sur elle-même. Elle trouve avec son collègue des solutions pour améliorer ses performances. Elle se donne le droit à l'erreur. Elle accepte son imperfection. Elle y arrive en se reliant à ses ressources et en recréant un état de sécurité dans son système nerveux par la respiration, la connexion à la terre et à son environnement apaisant. Elle se rappelle des souvenirs où on l'a reconnue positivement, avec ses qualités et ses défauts. Elle se rappelle certaines expériences où elle a appris de ses erreurs et où elle a pu réussir à avancer plutôt que de se figer, procrastiner. Adopter cette posture implique que la victime ait appris à accéder à ses ressources après l'emprise. Sortir de l'isolement consécutif à cette relation peut l'aider à acquérir des ressources, notamment des ressources relationnelles auprès de personnes empathiques, valorisantes et soutenantes. Elle leurs demande des observations positives sur ses qualités, ses performances afin de renforcer sa confiance et son estime d'elle. En faisant la liste de ses ressources, elle facilite le retour de son système nerveux à l'apaisement. Par exemple, faire la liste de ses qualités et de ses forces, celle des souvenirs où elle a reçu des compliments, où elle a été fière d'elle. Elle peut aussi se libérer de la charge émotionnelle de ses souvenirs traumatisants en les désensibilisant. L'approche du coaching en thérapie polyvagale conjuguée avec la psychothérapie EMDR donne à la victime des ressources pour revivre après l'emprise. Elle peut ainsi avec l'entraînement passer de plus en plus rapidement et aisément d'un état de survie à la vie.
Si ce vécu vous interpelle, vous pouvez contacter Christine Calonne psychologue psychothérapeute à Charneux et à Namur en Belgique : +32 42 90 58 14. Vous pouvez aussi remplir le formulaire contact.