Les enfants de pervers narcissiques vivent très jeunes des traumatismes plus ou moins graves, car ils sont victimes de violences psychologiques, verbales, physiques ou sexuelles à différents degrés.
La gravité de ces traumatismes varie selon l'intensité et la répétition de ces violences, mais aussi selon le degré d'isolement et de solitude de l'enfant. Si l'enfant a le soutien du parent victime, d'une personne de l'entourage proche ou éloigné, cela diminue la gravité de ces chocs émotionnels. Souvent, le parent pervers narcissique fait en sorte d'isoler l'enfant pour renforcer son emprise et l'empêcher de prendre conscience que ce qu'il vit n'est pas semblable à ce que d'autres enfants et d'autres parents vivent. Il croit alors que les violences sont normales.
Ces violences ont pour but de le réduire à l'état d'objet, afin de l' instrumentaliser pour satisfaire les besoins narcissiques du parent pervers narcissique (enfant objet faire valoir), ou pour satisfaire son désir de vengeance (enfant bouc émissaire) contre le parent de son enfance qui l'a aussi traité en objet et violenté. L'enfant peut servir de déversoir aux plaintes du parent pervers narcissique qui se plaint : se plaindre donne du pouvoir. Ou bien, celui-ci l'instrumentalise, après la séparation du couple, comme son bras vengeur contre le parent victime qui a fui. L'enfant peut tenter de sauver le parent victime et devenir parent avant l'âge en étant le confident, en soutenant celui-ci, en prenant sur lui trop de responsabilités pour son âge, ...etc. Cet enfant peut devenir "L'enfant parfait", le meilleur à l'école, le plus "gentil", le plus "serviable". Parfois, l'enfant s'identifie à son parent agresseur et adopte des comportements violents pour ne pas être la cible de la violence du parent pervers narcissique.
Le traumatisme est un événement que l'on n'aurait pas du vivre et que l'on a vécu seul, dans l'isolement. C'est une atteinte à l'intégrité psychique et/ou physique qui menace sa sécurité interne, son estime de soi, sa capacité d'expression de soi.
L'enfant victime d'un parent pervers narcissique est traumatisé. Les violences subies dans la solitude entraînent des états de stress plus ou moins graves, car ces violences sont répétées avec le harcèlement moral qu'exerce ce parent. La répétition ne permet pas à l'enfant d'être lui-même, de développer son identité, de satisfaire ses besoins, de ressentir ses émotions et d'être autonome. Son moi est muselé, brisé de plus en plus. Le stress physique est accompagné de peurs (peur de la violence, de l'abandon, du rejet, peur de mourir, peur des autres, au point d'amener de véritables phobies, ...etc). le sentiment de honte accompagne ces peurs. Ce stress est associé à des comportements d'évitement, de l'hypervigilance, des flash-backs des violences, des cauchemars, des troubles de la concentration et de la mémoire, des cauchemars, une hyperactivité mentale ou physique, des pensées négatives sur soi et le monde, des émotions pénibles récurrentes, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, des problèmes sphinctériens, une perte de plaisir de vivre, une perte de confiance en l'humain, des addictions (jeux vidéos, nourriture, ...etc), des états dissociatifs plus ou moins sévères.
Les états dissociatifs sont des états de coupure partielle ou totale avec le corps, avec les émotions, ou avec l'environnement. La pensée subjective, l'esprit critique est paralysée pour se protéger de l'insupportable, les violences répétées, sans possibilité d'y échapper.
La dissociation légère se manifeste par des crises de colère ou des états de figement, mais ces états ne subsistent pas dans le temps. L'enfant victime n'a pas les ressources pour s'apaiser, s'affirmer, car le parent pervers narcissique ne lui reconnaît pas de droits. La colère intense ou la violence exprime la souffrance de l'enfant face à ce déni de ses droits et de sa liberté d'être lui-même.
La dissociation peut aussi s'aggraver si l'enfant n'a plus d'autre possibilité pour exister que de se couper de certaines parties de lui-même. Il existe alors à travers son imaginaire et l'invention de parties de son moi brisé. Ce sont des parts émotionnelles qui traduisent son vécu. Anna a vécu avec des parents pervers narcissiques. Puis, à l'âge adulte, elle a répété son vécu d'enfant victime avec deux partenaires qui correspondaient à ce type de personnalité. Une part d'elle, appelée par elle "bisounours", vivait le monde en l'idéalisant, en voyant en tout le merveilleux, le beau. C'était l'enfant en elle qui s'était protégée de la violence parentale en développant une attitude mentale de déni. Cela lui avait permis de développer un comportement de sauveur, pour aider les autres, mais aussi ses deux partenaires qu'elle identifiait avec un fonctionnement pervers narcissique. Cette idéalisation ne lui permettait pas de sortir de leur emprise, car elle leur trouvait des excuses et elle voulait les aider. La partie triste d'elle, elle l'avait appelée "la pleurnicheuse". Elle avait ainsi intériorisé le discours parental critique de ses parents à l'égard de ses émotions. Elle luttait contre cette part fragile et elle a pu la laisser s'exprimer lorsqu'en thérapie, elle a reconnu l'importance de ses émotions. La tristesse reconnue lui permit de sentir combien le bébé qu'elle avait été n'avait pas été accueilli. Elle avait décrit l'absence d'empathie, la violence verbale, psychologique, l'absence de tendresse et d'expression d'amour de ses parents. La présence de sa soeur à ses côtés lui avait permis de ne pas se dissocier complètement de son corps. En accueillant cette part d'elle, elle a appris à s'aimer et à ouvrir son coeur. " Une autre part d'elle, elle l'avait nommée "la PN". C'était la part en colère qu'elle retournait contre elle-même en s'auto-sabotant, en se faisant des reproches, en se jugeant sévèrement, ...etc. Elle découvrit avec la psychothérapie que cette part s'était construite pour la protéger, car la colère pouvait être utile si elle pouvait considérer et nommer autrement, plus positivement "la PN" intérieure. Elle ne l'appréciait pas du tout. La part adulte en elle s'était construite petit à petit avec la thérapie, car au départ, ce sont ses parties internes qui la dirigeaient et l'amenaient à répéter des relations toxiques d'emprise et de destruction. Elle a appris à leur parler et à négocier avec elles pour que chacune joue sa fonction positive. Une autre part s'appelait "L'intello". Anna avait survécu en développant ses capacités intellectuelles, en réussissant bien à l'école et en donnant le meilleur d'elle-même dans son travail. Elle a pu se réconcilier avec toutes ses parts d'elle-même pour retrouver la sécurité interne, l'estime d'elle, la capacité à s'affirmer et à mettre ses limites. L'EMDR lui a permis de se désensibiliser à la charge émotionnelle de ses traumatismes, à transformer ses pensées négatives sur elle-même au sujet du vécu de ces violences parentales et conjugales. C'est ainsi qu'elle a pu sortir de l'emprise de son dernier partenaire et faire le deuil de son enfance maltraitée.
La dissociation peut être totale quand les traumatismes ont été tels que l'enfant a perdu tout contact avec lui-même, avec son corps. En psychothérapie, la victime ne ressent pas son corps, ses émotions, ses besoins. Ses parts les contiennent, séparées d'elle. La victime se sent, par exemple, à côté d'elle-même. Jean avait décrit comme mécanisme de survie la constitution d'une part "hérisson" (le rebelle très violent), d'une part "Monsieur Google" (l'observateur analytique), de "Monsieur sourire" (celui qui s'adapter socialement à tout), de "l'enfant balançoire" (celui qui se console tout seul sur sa balançoire). Le hérisson le protégeait, mais intervenait aussi pour protéger d'autres êtres en danger. Monsieur Google avait analyser l'histoire de ses parents, leur personnalité pour s'en protéger. Monsieur sourire lui avait permis d'apprendre à s'adapter aux relations sociales pour en comprendre les codes et s'en protéger aussi. En effet, l'enfant balançoire en lui vivait en retrait du monde, triste et terrifié. Sa relation avec ses deux parents pervers narcissiques ne lui avait pas permis de constituer un moi unifié : sa mère sans empathie, hyper-normative, directive n'avait aucune écoute, aucune tendresse pour lui. Son père était très violent psychologiquement, verbalement, surtout physiquement, sans dialogue. Il ne supportait aucune frustration, aucune limite, mais il était très séducteur en public et avait gravi les échelons du pouvoir et de l'échelle sociale avec ses capacités de stratège. Il ne lui avait pas donné confiance en l'humain. Sa part "hérisson", à l'adolescence, avait confronté son père de sorte que celui-ci avait battu en retraite. La psychothérapie lui a permis de reconnaître ces parts dissociées de lui-même, de les comprendre en dialoguant avec elles et en les aidant à collaborer ensemble. Au départ, ces parts sont violemment en conflit les unes avec les autres, mais le dialogue bienveillant permet une réconciliation. Il a pu comprendre l'origine transgénérationnelle de cette perversion parentale. Il a pu tout doucement réduire son état dissociatif, son hypervigilance et développer une relation de confiance et de dialogue dans le lien thérapeutique.
La psychothérapie EMDR, l'hypnose éricksonienne a pu aider ces patients à rétablir en eux la sécurité interne et la capacité à s'aimer, à prendre soin d'eux, à retraiter leurs traumatismes consécutifs à des relations destructrices avec leurs parents. La relation thérapeutique, l'empathie, la bienveillance les avaient aidés à rétablir avec eux-même un lien humain et à réunifier leur moi brisé dans leur enfance par la violence parentale.