L'enfant d'un parent pervers narcissique est exposé dans la relation à lui (elle) à des agressions psychologiques, verbales, parfois physiques, sexuelles ou financières, mais aussi à son indifférence. Celle-ci engendre des carences affectives. Son développement psychologique, affectif, intellectuel et relationnel est-il mis en péril par cette relation ? Comment peut-il développer son plein potentiel d'épanouissement de soi ?
Dans une relation suffisamment bonne avec son parent, l'enfant ressent un sentiment de sécurité, un bien-être associé au fait que son parent prend soin de lui : prendre du temps pour vivre des moments agréables ensemble, respecter ses besoins physiques, psychologiques, enseigner comment nommer, exprimer ou apaiser ses émotions, satisfaire ses besoins, lui offrir de la tendresse, des mots d'amour, de réconfort, d'encouragement, dialoguer en acceptant le désaccord, tout en posant ses limites.
Mais, le parent pervers narcissique ne sait pas prendre soin, car il est uniquement préoccupé par une quête de pouvoir, une image parfaite aux yeux des autres. Il ne crée pas de lien véritable, car il ne peut se connecter à son ressenti et à celui de son enfant. Ce déni du ressenti, de ses blessures d'enfance le pousse à expulser celles-ci en faisant souffrir autrui. Le désir de contrôle permanent, la combativité pour conquérir toujours plus de pouvoir ne lui permet pas de laisser s'exprimer son corps et celui de son enfant. Il le contrôle comme une mécanique à performer. Il a des plans pour l'enfant auxquels celui-ci ne peut qu'obtempérer sous peine de rejet.
Cet enfant ne peut se sentir vivant dans la relation. Il doit se couper de son ressenti et de son corps pour survivre.
La peur du rejet peut amener l'enfant à adopter des comportements de mimétisme négatif ou à s'auto-saboter par sentiment de ne pas être aimable. Ou bien, pour survivre, il peut se réfugier dans des addictions à un produit, à une personne ou à des sensations à forte excitation, ou encore se figer dans son corps, dans sa pensée et subir, en attendant que ça passe.
Cet enfant n'apprend pas les codes pour vivre une relation juste, avec une juste distance. Il n'apprend pas le respect de soi, le droit à l'autonomie, à vivre dans un espace propre, le droit à l'intimité.
Il peut, à l'âge adulte, tenter de combler ses carences affectives par une recherche de fusion amoureuse, amicale, ou craindre le rapprochement, l'intimité. Il peut croire qu'il doit se débrouiller seul, ou imposer à l'autre de se débrouiller seul. Il peut alterner les deux attitudes.
Isolé par le parent pervers narcissique, il ne peut explorer le monde et se faire confiance. Il se sent contraint d'adhérer à la pensée dominante, celle de son parent. Celle-ci est basée sur la croyance négative que le monde est hostile (l'angoisse paranoïde du pervers narcissique), qu'il faut se méfier d'autrui et qu'on ne peut compte sur personne.
L'enfant ne peut développer sa propre identité en grandissant et risque de se forger une armure défensive, la lutte constante. Dès le lever, il peut s'imposer d'agir dans la rapidité : "Go ! Go ! Qui m'aime me suive !", sous peine de rejet ou de critiques. Ou bien, il peut fuir les relations personnelles demandant un engagement, c'est à dire parler de soi, exprimer ses émotions et ses besoins. Il entretient alors des relations superficielles, avec des addictions comme support.
Ce vécu d'enfance, marqué par une carence d'amour représente un traumatisme important, car l'enfant du pervers narcissique s'est senti seul avec lui-même, impuissant à se différencier, à exprimer sa sensibilité et sa pensée personnelle. Ill n'a pas appris le langage de l'amour et des émotions, car ce développement est possible par les interactions avec ses parents.
Cette carence émotionnelle et affective peut le pousser à imiter le parent pervers narcissique pour survivre. Ou bien, il peut chercher désespérément dans des relations de dépendance affective, des relations passionnelles destructrices à l'âge adulte, l'amour, l'empathie, la compassion qu'il n'a pas reçue.
Il ne se sent pas aimable, important, unique et cherche à être rassuré en s'occupant des autres ou en les dominant. Il peut s'identifier à ses performances, parce qu'il n'a pas reçu l'amour inconditionnel de son parent. Il redoute alors l'erreur, l'échec, la vulnérabilité. Il peut s'auto-saboter par loyauté envers ce discours parental destructeur, dans la mesure où il ne correspond pas aux attentes : "Incapable ! Nullité ! ".
Il ne sent pas ce qui est bon pour lui et il ne sait pas qui il est. Il ne peut dès lors donner un sens à sa vie. Ce manque de sens peut le pousser au désespoir. Il a du mal à faire confiance, car il a vécu des intrusions importantes dans son espace psychologique et physique. Ces intrusions n'était pas perçues par lui, car elles étaient masquées par des messages paradoxaux, alternant offre de cadeaux excessifs, absence de limites, mise sur un piédestal en cas de réussite scolaire et absence d'attention, de tendresse, dénigrements, culpabilisations, ...etc.
Cela constitue des traumatismes sournois, des micro-violences quotidiennes voilées par des messages de séduction. Cette insécurité ne lui a pas permis d'apprendre à apaiser ses émotions. Elle l'a entraîné à la procrastination, à développer une psychologie de l'échec. Le développement de son intelligence émotionnelle a été compromis.
A l'âge adulte, il risque de ne pas pouvoir repérer les violences, les abus d'autrui et d'être à nouveau victime s'il n'a pas acquis suffisamment de ressources pour s'en protéger. Si personne n'a été présent pour offrir ces ressources et une sécurité affective de base, cet enfant risque de ne pouvoir évoluer vers un épanouissement de soi.
Durant l'enfance comme à l'âge adulte, des facteurs d'épanouissement de soi sont la présence de personnes bienveillantes, empathiques et compatissantes envers soi. Ces personnes peuvent aider à se connecter à son ressenti, à ses besoins et à dialoguer.
Elles savent poser leurs limites, fermement, mais calmement. Elles enseignent le respect de soi et des autres, en étant des modèles. Elles aident à donner un sens à sa vie, à nourrir un questionnement sur ce qui épanouit, ce qui est juste et bon pour soi.
Elles aident à agir pour ne pas ruminer, à se détendre et à apaiser ses émotions. Elles apprennent le dialogue et la tolérance à la différence. Sachant parler d'elles-mêmes, elles servent de modèle afin de donner une légitimité à ce que la personne pense et ressent.
L'enfant ou l'adulte peut s'autoriser ainsi à être lui-même. Il peut s'accepter tel qu'il est avec ses failles, ses blessures, ses défauts, ses forces et ses qualités. Ces relations l'aident à rétablir une confiance en soi et en l'autre suffisante pour réaliser son potentiel d'épanouissement.
Elles sont un modèle de psychologie positive afin de libérer l'enfant ou l'adulte de ses comportements d'auto-sabotage liés aux traumatismes sournois qu'il a subis : valorisation, soutien, écoute et présence, tendresse, encouragements, repérage et reconnaissance positive des comportements constructifs, nommer ses qualités, poser des questions positives et ouvertes, coopération, expression de gratitude et d'émerveillement, temps pour soi, pour être et non faire, pour éprouver du bien-être, questionnement sur ce qui est important pour soi, apprentissage de l'autonomie, de la juste distance relationnelle, de la capacité à réguler ses émotions, verbalisation de celles-ci, des besoins, des désirs et des limites, apprentissage de la capacité à prendre soin de soi, de ses émotions et de ses besoins, à entretenir des liens constructifs par le dialogue et l'écoute, la stabilité et la fiabilité.
Les quatre clés pour guider l'enfant ou l'adulte à se reconstruire face à ces traumatismes sournois sont les suivantes :
1. La respiration profonde et calme (exercice de cohérence cardiaque) développe la capacité au bien-être et le sentiment de sécurité : respiration abdominale (comptage jusque six), puis thoracique (comptage jusque quatre) et ensuite, expiration complète (rentrer le ventre et vider l'air des poumons).
2. Prendre soin de son corps : le soin du corps par le sport, une alimentation saine, un sommeil suffisant, un repos nécessaire, l'accès au plaisir,...etc.
3.Prendre soin de la relation à soi et aux autres : l'orientation de la pensée et de l'action vers ce qui est positif et bon pour soi (personnes, expériences créatives ou spirituelles positives, animaux, nature, lectures, métier ou activité épanouissante pour soi, ...), dialogue intérieure avec toutes les parts de soi, notamment la part qui ne s'est pas sentie vivre dans le passé, ou la part combative, ou encore la part addictive afin de les réconcilier et de les aimer.
4. Prendre soin de son accomplissement : trouver un sens à sa vie, un épanouissement spirituel.
Vous pouvez approfondir cette réflexion avec mon livre "Les victimes de pervers narcissiques, guérir le traumatisme" éd. Ellipses, 2021.
Si ce questionnement vous parle, vous pouvez contacter Christine Calonne, psychologue psychothérapeute à Namur et à Liège : +32 42 90 58 14.