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Enfant de parent pervers narcissique : aider ou se protéger ?

Le 13 août 2020
Enfant de parent pervers narcissique : aider ou se protéger ?
L'enfant d'un parent pervers narcissique est réduit à l'état d' instrument. Son empathie peut être utilisée à son détriment et l'amener à s'oublier pour servir les exigences narcissiques du parent PN. Comment l'orienter différemment pour se protéger ?

A. L'enfant d'un parent pervers narcissique : un instrument ?

L'enfant ne peut, durant son enfance, vivre son autonomie, car ce qui caractérise la relation du parent pervers narcissique avec sa proie, c'est l'interdit d'autonomie. Cet enfant n'a pas de droits. Il doit servir son parent comme un outil. Au mieux, l'enfant est désigné par ce parent comme son faire valoir, car il peut réaliser les exigences narcissiques insatisfaites de celui-ci.

Le moi de l'enfant ne peut s'épanouir, car l'enfant doit s'adapter au discours du parent pervers narcissique (PN) pour survivre. L'enfant développe un faux self et ne sait pas qui il est, ce qu'il aime ou n'aime pas, ce qui  lui convient et ce qu'il désire vraiment. Le parent PN ne prend pas en considération le bonheur, les besoins et le bien-être de l'enfant. Le jour où il refuse de satisfaire ses exigences, l'enfant est rejeté.

B. L'empathie de l'enfant victime : une force ou une faiblesse ?

Si l'enfant dispose d'une grande empathie, il peut percevoir la souffrance inconsciente du parent PN et il peut tenter de réaliser les exigences narcissiques du parent PN envers lui, pour l'aider à guérir. Les rôles s'inversent. L'enfant devient le Sauveur du parent et son comportement n'est plus authentique. L'enfant tente ainsi de survivre en se donnant cette mission : rétablir le narcissisme du parent. Le parent PN a nié, à un moment donné de son passé, des blessures narcissiques de la part d'un de ses parents : refus de reconnaissance, d'amour, de respect, d'autonomie, par exemple. Le parent PN a fait le choix, pour survivre, de se couper de sa souffrance et d'acquérir du pouvoir, notamment sur son enfant afin de rétablir son narcissisme blessé à travers lui, grâce à la relation d'emprise de violence qu'il exerce sur eux. Cependant, il le nie et proclame qu'il n'a pas de problème. Il exige de lui la même chose. L'enfant ne peut exprimer une souffrance, une émotion, un besoin ou un désir. Il doit être le miroir du parent PN dans lequel celui-ci se mire. Il doit être fort. Il doit être parfait. C'est un phénomène transgénérationnel.

L'enfant cherche toute sa vie, parfois, à prouver qu'il vaut quelque chose, prouver qu'il est quelqu'un, le meilleur, qu'il est compétent, capable. Mais, malgré tous les diplômes, tous les actes de prise en charge, d'empathie, de générosité posés pour prouver sa valeur, il n'obtient pas ce qu'il attend : la satisfaction de son besoin de reconnaissance. Le parent PN est incapable de reconnaître l'autre comme différent, comme une personne avec des pensées, des émotions, des besoins et des désirs propres. Avec le temps, l'enfant s'identifie au rôle de Sauveur et il prend en charge les autres au point de s'oublier. Ce comportement peut l'amener au burnout à l'âge adulte, car il prend trop de responsabilités. Avec les années, il s'épuise sans obtenir l'amour, la reconnaissance et le respect du parent PN. Cette empathie excessive peut le précipiter dans d'autres relations toxiques, car il s'oublie et a peur du rejet. Certains peuvent utiliser cette faille narcissique et relationnelle pour dominer et manipuler.

Cependant, l'empathie orientée vers des relations saines, est une force et peut favoriser des échanges authentiques, plein d'amour et de compassion. L'empathie commence avec soi. C'est l'énergie qui permet de s'aider soi-même. Il s'agit de prendre conscience de ses blessures, pour accueillir les émotions, surtout la colère, énergie nécessaire pour pouvoir dire non, retrouver sa puissance et poser ses limites face aux tentatives de prise de pouvoir d'autrui.

C. Aider le parent PN ou se protéger ?

S'il prend conscience de cette emprise, de ces effets délétères pour sa santé mentale et psychique, l'enfant d'un parent PN peut tenter de couper les ponts. Mais, même après avoir coupé les ponts, lorsque le parent PN vieillit, l'enfant devenu adulte peut être à nouveau appelé, convoqué par le parent PN. En effet, il n’accepte pas l’approche de la mort. C'est une menace pour sa toute-puissance narcissique. Le parent PN peut revenir vers lui comme si rien ne s’était passé et l’aborder avec une attitude plaintive, la plainte étant une façon de retrouver du pouvoir sur lui. Cependant, le parent PN ne se remet pas en question et refuse d’aborder ses traumatismes ou les violences qu'il a exercées sur l'enfant. Il a pour but de récupérer l’emprise et de continuer à se décharger sur lui de son stress par ses micro-violences. D’autre part, il veut l’utiliser comme bâton de vieillesse, autre façon de l’instrumentaliser et de continuer à lui refuser toute existence propre, toute autonomie. Il ne peut considérer son enfant devenu adulte comme un autre adulte, indépendant, libre et autonome. Il risque à nouveau de l’infantiliser, de le dominer en exerçant ses micro-violences sur lui. 

L’enfant devenu adulte peut éprouver encore de l’empathie même s’il a coupé les ponts quand le parent PN l’appelle et se plaint. Mais, la plainte est une tentative de prise de pouvoir et non une demande d'aide. L'enfant du parent PN n’a pas la distance nécessaire pour l’aider psychologiquement. Son sentiment de culpabilité risque de refaire surface à la moindre culpabilisation, ou bien, il risque de s'adapter inévitablement, car le parent PN n'a pas changé et refuse toujours à son enfant le droit à l'autonomie.

L’enfant devenu adulte peut ressentir de l’empathie pour le parent victime resté avec le parent PN. Cependant, s’il est resté, cela peut signifier qu’il préfère éviter toute confrontation par peur, peur du changement, peur de la violence, manque de confiance en soi, ou désir de maintenir son confort matériel, financier, même s’il doit renoncer à sa liberté, à son autonomie. Dans ce cas, le parent victime tente de faire taire l’enfant devenu adulte et peut le sermonner lorsque l'enfant confronte le parent PN. Parfois, il peut même faire du chantage en refusant de le voir si l'enfant refuse l'emprise que le parent PN veut réinstaller. Le lien est toxique aussi et peut faire souffrir l’enfant devenu adulte toute sa vie. Informer le parent victime, vouloir réveiller son esprit critique, consacrer du temps à l’écouter se plaindre aussi, risque de précipiter à nouveau la victime dans le rôle de Sauveur ou entretenir son vécu d'ancienne victime.

L’inutilité d’une telle tentative est d’autant plus certaine si le parent a été identifié par l’enfant en tant que victime alors qu’il était aussi pervers narcissique ou pervers. Dans ce cas, les deux parents consacrent leur vie entière à détruire l’enfant qu’ils ont mis au monde afin d’orienter vers l’extérieur leurs pulsions destructrices qui sans cela détruiraient leur couple. L’enfant victime découvrant cela peut se sentir profondément trahi, seul, abandonné, mais la prise de conscience peut être salutaire afin de fuir et de se protéger définitivement. Cependant, certains parents victimes prennent conscience sur le tard de l'urgence de fuir pour ne pas mourir et le soutien de leur enfant peut alors être utile, s'il est accompagné d'une démarche thérapeutique.

Tenter d'aider quelqu'un qui ne veut pas être aidé est inutile et destructeur. L'enfant d'un parent PN est amené à faire son deuil du parent idéalisé qu'il n'a pas eu afin de retrouver ses capacités à s'aimer, se reconnaître et se respecter. Devenir un parent aimant, bienveillant, soutenant pour soi est la condition pour s'épanouir. La part parent de l'enfant d'un parent PN peut s'être construite sur le modèle d'un parent critique, destructeur, même si elle vise la protection de soi. Il s'agit de reconnaître cette part de soi positivement : Elle veut protéger. Mais, il est nécessaire d'orienter différemment ce désir de protection, en étant un parent bienveillant pour soi : développer plus de bienveillance, de capacité à s'encourager, reconnaître ses qualités, ses émotions, ses besoins, ses désirs, s'aimer inconditionnellement, positivement, se donner le droit à l'imperfection et à avoir des moments de "faiblesse". Reconnaître son enfant intérieur, le chérir et l'aimer peut renforcer la capacité à se protéger. Se rappeler les personnes qui ont reconnu et aimer son enfant intérieur permet d'installer ces ressources en soi. C'est ainsi que l'enfant anciennement victime peut trouver la force de poser ses limites et de sortir d'une impuissance apprise en grandissant aux côtés d'un parent PN. Cette protection de soi est nécessaire afin de ne pas rester prisonnier de l'emprise d'un parent PN toute une vie.