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Addictions et stress post-traumatique chez les enfants de pervers narcissiques

Le 25 octobre 2019
Addictions et stress post-traumatique chez les enfants de pervers narcissiques
Cet article permet de mieux comprendre le lien entre addictions, stress post-traumatique et violences liées à la relation d'un enfant avec un parent pervers narcissique. Il donne des pistes pour aider l'enfant à ne pas recourir à ces addictions.

A. Les violences faites au enfants :

Le parent pervers narcissique exerce une emprise sur ses enfants au travers de comportements de domination à caractère violent.

L'association L’APSAC (American Professionnel Society on the abuse of Children) décrit cinq formes de violence faites aux enfants :

- Le rejet : dénigrer, culpabiliser, critiquer, mépriser sa personne, l’humilier, le rendre honteux de ce qu'il ressent, de ce qu'il pense, de son physique, ridiculiser l’expression de ses émotions, de ses besoins.

- La mise sous terreur : menacer de représailles, de retirer la protection, l’amour, menacer de l’abandon, isoler, blesser, faire mal à ses animaux ou abîmer ses objets, le mettre en danger, lui donner des objectifs impossibles, ou pas de son âge.

- L’exploitation et/ou la corruption : lui donner des tâches inappropriées pour son âge, humiliantes, le parentifier en l’obligeant d’adopter un rôle de parent ou rendre impossible son accès à l’autonomie en niant ses sensations, ses émotions, ses besoins, ses désirs, en limitant ses capacités d’apprentissage, l’inciter à transgresser la loi, ne pas lui apprendre la différence entre le bien et le mal, l’inciter à la violence, à la prostitution, à la pornographie.

-Le refus de réponse affective : priver l’enfant de démonstration d’affection, d’amour, d’empathie, de tendresse, de signes de reconnaissance positifs, être indifférent, non impliqué dans ses activités, ses soins, son éducation.

Ces violences répétées dans l'enfance sont une forme de harcèlement moral qui débouche sur un état de stress chronique et sur le stress post-traumatique.

B. Lien entre violences et stress post-traumatique chez l'enfant :

Peter A. Levine, psychologue spécialisé dans l'étude du stress post-traumatique, a décrit les comportements et symptômes typiques d’un enfant traumatisé dans son livre « Réveiller le tigre » :

une anesthésie générale, des manies compulsives (ex. frapper de façon répétée un objet, un jouet), l’angoisse devant des stimulations vives (hypervigilance dans l’état de stress post-traumatique), le besoin constant de tout contrôler, des comportements régressifs comme sucer le pouce, caresser son oreille, se cacher dans les jupes de la maman, des crises de rage, une hyperactivité, des sursauts exagérés, des terreurs nocturnes, des cauchemars répétés, une raideur corporelle pendant le sommeil, l’énurésie, l’encoprésie, une perte de concentration et de mémoire, une timidité exagérée, un retrait social, des peurs de tout, un comportement excessif d’accrochage, des douleurs et tensions dans le corps sans explications. Une déficience des capacités intellectuelles et verbales peut en découler ainsi qu'une hypersensibilité sensorielle et émotionnelle, une perte d’estime de soi, de la tristesse, voire de la dépression, une peur de l’abandon ou du rejet, de la culpabilité excessive, un repli sur soi, des comportements d’auto-sabotage, des abus de drogues, des dépendances peuvent s’installer en grandissant, avec chute de résultats scolaires. L’enfant panique, refuse de parler, s’enfuit si on aborde le sujet des violences subies ou, au contraire, n’arrête plus de parler. On peut observer aussi une peur de découvrir, d’explorer, de s’affirmer, une difficulté à exprimer de l’amour, de la tendresse, empêchant la construction d’un lien d’attachement sécurisant avec le parent.

L’enfant recrée les situations traumatiques dans ses jeux, ou bien les dessine. Ces créations sont imprégnées du vécu émotionnel éprouvé dans la relation au parent pervers narcissique : terreur, angoisse, peur, horreur, violence, tristesse, désespoir, menaces, tortures. C’est sa façon à lui d’exprimer sa détresse, car il sait qu’il ne peut en parler par crainte des représailles ou bien, il n’est plus conscient de ce qu’il a subi et de ce qu'il ressent (amnésie, état dissociatif). Le jeu est répété de façon compulsive, car il n’y a pas d’issue, de solution (vécu d’emprise).

En cas d’identification à l’agresseur, des comportements d’agressivité répétitifs, une cruauté envers les autres enfants ou les animaux, de harcèlement moral, des comportements répétitifs de séduction/manipulation, voire de violence peuvent se manifester très tôt.

Les conséquences à l’âge adulte sont graves si l'enfant n'est pas aidé : colères inappropriées, méfiance, symptômes du stress post-traumatique, criminalité, délinquance, prostitution, fuite dans un mariage précoce, difficulté à être parent, répétition de relations violentes comme auteur ou victime, tendance à la victimisation et à la manipulation. Il ne peut développer son identité, écouter ses besoins fondamentaux et les voir satisfaits par le parent pervers narcissique. Il ne peut trouver en lui les ressources pour aimer, s’épanouir, se faire sa place dans la société. Il se replie sur lui et risque de se marginaliser ou de se suicider si personne ne lui vient en aide. Ou bien, s’il s’identifie à l’agresseur et devient son faire-valoir, il va développer un faux self, lui permettant d’obtenir du pouvoir pour satisfaire ce parent. 

C. Lien entre stress post-traumatique et addictions :

La description de Peter Levine décrit les addictions que peut développer l' enfant traumatisé comme une façon de survivre face à l'insupportable, face à l'isolement. L'enfant traumatisé est seul avec ses angoisses, sans réconfort, sans soutien, sans écoute d'autrui.

Quelles sont les différentes formes d'addictions consécutives aux violences ?

Ces addictions lui permettent de s'anesthésier, de fuir, d'éviter de penser, de ressentir ses traumatismes. Les addictions sont le seul espace de sécurité où se réfugier : addiction à des jeux vidéos, au gsm, à internet, à la nourriture, à des jeux répétitifs, puis à l'adolescence, addiction à l'alcool, aux drogues, au sexe, à la pornographie, ...etc. En effet, il ne peut se confier par peur des représailles, par peur de perdre la protection, l'amour qu'il espère toujours recevoir de ce parent. C'est pour cette raison qu'il peut le protéger, inverser les rôles, l'excuser.

L'addiction peut également être relationnelle. L'enfant développe une dépendance affective et ne vit plus qu'à travers ce parent violent, séducteur par moment. L'enfant confond l'amour et la séduction. Il devient dépendant des doses "d'amour" que le parent séducteur donne par moment pour introduire la confusion dans son esprit et maintenir son emprise : mots tendres, cadeaux exorbitants, privilèges par rapport aux frères et soeurs, absence de limites, ...etc. Mais, les doses "d'amour" disparaissent au profit de violences psychologiques, verbales, physiques ou sexuelles à d'autres moments. L'enfant devient ainsi de plus en plus addict, incapable de développer son autonomie, de penser par lui-même et de désirer. Il n'existe pas, dissocié de son corps et de ses traumatisées parfois totalement. Les addictions sont nécessaires pour maintenir cet état dissociatif et survivre. L'enfant n'a pas le choix. Il est à la merci de ce parent.

D. Quelle aide apporter pour réduire les addictions de l'enfant ?

1. Quitter le parent pervers narcissique :

Aider l’enfant, c’est quitter le parent pervers narcissique, car l'enfant peut trouver alors un refuge lorsqu'il va chez l'autre parent. Il peut recevoir l'apaisement, la sécurité, l'amour, la satisfaction de ses besoins, l'empathie pour sa souffrance qui aident l'enfant à renoncer à ses addictions.

2. Sécuriser l’enfant et nommer les violences :

Le déculpabiliser par rapport aux violences subies ou dont il a été témoin peut l'aider retrouver la sécurité intérieure. Nommer les violences, distinguer ce qui est bien et mal peut donner des repères sécurisants à l'enfant.
Lui apprendre à s’ancrer dans son corps, à ressentir du bien-être avec des exercices corporels amusants, relaxants lui permet de développer des ressources internes pour se protéger. La sécurité intérieure peut remplacer la fonction protectrice d'une addiction.

3. Revaloriser l’enfant :

Il est nécessaire de lui donner de la reconnaissance positive, valoriser ses réussites, ses expériences positives, son comportement à travers des paroles positives, des phrases courtes, facilement mémorisables, apaisantes et réconfortantes. Lui donner du soutien, l'encourager et non lui demander du soutien à travers le dialogue, le jeu, les activités peut renforcer son estime de lui. C’est l’occasion de l’informer sur les différents types de communication agressive, passive, manipulatrice, assertive, pour qu’il puisse reconnaître la manipulation. 

Cette revalorisation peut aider l'enfant à réduire son stress et le recours aux addictions.

4. Apprendre à l’enfant l'assertivité :

Apprendre à l'enfant la la prise de conscience et la reconnaissance de ses sensations, émotions, besoins fondamentaux désirs et limites peut l'aider à construire son identité niée par le parent pervers narcissique. Manifester de l'empathie pour sa souffrance et l'aide à s'en libérer par le dessin, le jeu, l'écoute de ce qu'il ressent, les câlins peut lui apprendre à développer l'assertivité plutôt que la manipulation. Lui apprendre à demander de façon explicite en formulant ses émotions et ses besoins en "Je" contribuer à la construction de son identité. L’aider à retrouver ses repères, à redonner du sens à sa vie d’enfant ou d’adolescent est essentiel : Parler avec lui des valeurs importantes comme l’amour, la bienveillance, l’empathie, le respect, l’honnêteté, la vérité, la liberté, l’autonomie, …etc. 

Etre soi-même, par ses comportements, l’incarnation de ces valeurs peut encourager l’enfant à s’identifier à ceux-ci pour retrouver son humanité et renoncer aux addictions qui anesthésient les émotions pénibles, le sentiment de solitude et ne permettent pas le développement de l'assertivité.


5. Mettre des limites à l’enfant :

Lui mettre des limites fermes, sans agressivité, dire non sans culpabiliser, avec bienveillance va aider l’enfant à abandonner la toute-puissance narcissique que lui inculque le parent pervers narcissique. Cela implique de faire des demandes claires et précises, positives, proportionnelles à l’âge de l’enfant, de proposer des alternatives en cas de refus. Il est important d’expliquer ses comportements, les règles pour encourager au dialogue, à l’empathie, à la prise en compte et à la compréhension du point de vue de l’autre.

 Lui apprendre qu’il y a des choses non négociables et d’autres bien permet à l'enfant de se sentir en sécurité et d'être en relation. Par exemple, déposer un panier en bas des escaliers, avant de monter dormir, pour que l'enfant y laisse son gsm, est un moyen simple d'éviter le recours au gsm comme addiction.

Cette mise de limites rassure l'enfant et peut lui éviter aussi le recours aux addictions associé à l'insécurité.

6.Dialoguer :

Le dialogue peut lui donner une chance de rester respectueux, vrai, authentique, dans un « vrai self » avec lui. Dialoguer sur le respect des règles et de la loi, juste et stable, équitable est nécessaire pour que l’enfant comprenne, accepte l’autorité et puisse intégrer les règles comme bonnes pour lui : sécurité intérieure ou extérieure, sérénité, repères, permettant de s’épanouir, d’apprendre, de vivre avec les autres.

Avec l’adolescent, il est particulièrement important de cultiver la négociation et la reconnaissance de son point de vue et de ses émotions, car il a particulièrement besoin de s’opposer pour devenir lui-même, adulte et autonome. Cela passe par des conflits constructifs où le parent exerce son autorité fermement, sans être autoritaire.Dans un conflit constructif chacun peut exprimer ses émotions, ses besoins, être écouté et respecté dans sa différence. La recherche commune de solutions OK-OK pour les deux parties permet d’éviter le passage à la violence (hausser le ton, crier, menace de représailles, d’abandon, chantage, dénigrement, culpabilisation, changement de sujet pour noyer le poisson). Il s’agit que chacun puisse se sentir reconnu et satisfait dans la recherche commune des solutions.

Le dialogue réduit l'état de stress, le sentiment de solitude, ce qui peut éviter le recours aux addictions.

7. Etre à l’écoute de ses propres émotions et accepter la colère saine :

Cependant, cela peut être difficile quand l’enfant ou l’adolescent présente le syndrome de Stockholm et adopte certains comportements violents du parent pervers narcissique. 

L’écoute, le respect, rester calme et bienveillant, mais ferme et constant dans l’application des règles est d’autant plus important dans ce cas. 

Oser exprimer ses émotions si on est épuisé, ou irrité, sortir de la pièce en expliquant pourquoi est préférable à une absence émotionnelle, à de la répression ou à une explosion de rage. Il est important pour y arrive de s’ancrer dans son corps, dire « Je suis fâché, triste », et non accuser, crier, hurler, reprocher, …etc.La peur de sa propre colère est fréquente chez la victime, parent ou enfant, car le déni des émotions par le parent pervers narcissique a provoqué une accumulation de colères non dites, risquant d’exploser à un moment donné en rage destructrice, visant à blesser, humilier, créer de la distance et non du rapprochement, une meilleure compréhension. Libérer cette colère disproportionnée dans un cadre sécurisé (psychothérapie incluant des techniques psycho-corporelles comme l’Eft, la psychomotricité relationnelle, la « somatic experiencing », l’hypnose éricksonienne, la sophrologie, l’haptonomie, l'EMDR,…etc) aide à retrouver un dialogue constructif.

L'expression d'une colère saine ou la libération des émotions en général réduit le recours aux addictions comme anesthésiant émotionnel.

8. Recréer un lien d’attachement « sécure » :

Développer un lien d’attachement « sécure" avec l’enfant victime d’un parent pervers narcissique peut préserver les bases de son identité. C’est veiller à répondre aux demandes d’interactions sociales de son enfant de façon cohérente et suffisamment constante. Passer des moments de détente, de jeu, exprimer son amour, sa tendresse par des câlins, soutenir l’enfant dans ses devoirs scolaires, ses activités extra-scolaires, donner des signes de reconnaissance positifs, manifester des sourires, des gestes doux, enveloppants, s'exprimer avec une voix douce, offrir un environnement apaisant aide à cette reconstruction du lien. 

Le lien d'attachement "sécure" permet à l'enfant de développer la sécurité interne et évite le recours aux addictions.


9. S’en référer à loi et aux règles :

S’en référer au jugement du tribunal, aux règles pour expliquer aux enfants la situation peut permettrede rassurer ceux-ci sur le fait qu’ils ne sont pas abandonnés lors de la séparation et de la garde alternée. Avec le parent pervers narcissique, il est important d'appliquer fermement, sans compromissions, les règles énoncées lors du jugement pour ne pas être manipulé ou se culpabiliser soi-même. Cela sécurise l'enfant et réduit le risque de développer des addictions.


10. Eviter la prophétie auto-réalisatrice :

Si l’enfant recherche la protection du parent pervers narcissique et adopte certains comportements manipulateurs ou violents, il est important de ne pas le considérer comme une copie du parent pervers narcissique, ni lui dire : « Tu es comme ton père, … ou comme ta mère ». Garder confiance en lui, en sa capacité à évoluer, à se libérer, peut l’aider à faire le choix de l’amour et à remettre en question le choix de la haine fait par le parent pervers narcissique. L’enfant peut aussi rencontrer un substitut parental qui exerce la fonction paternelle ou maternelle. Pour la fonction paternelle, il s'agit de mettre des limites, un cadre, de stimuler au dépassement de soi, à l'ouverture au monde. Pour la fonction maternelle, il s'agit de manifester de l'empathie, de l'écoute, de prendre soin des besoins de l'enfant, de réconforter.

L'application de la fonction paternelle et maternelle protège l'enfant du risque de développer des addictions.