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Le pervers narcissique et la victime : décoder la relation.

Le 19 février 2018
Le pervers narcissique et la victime : décoder la relation.
Le pervers narcissique et la victime, un jeu de pouvoir à identifier avec le point de vue de l'analyse transactionnelle. Comment la victime peut-elle décoder ce jeu et mobiliser ses ressources pour protéger son Enfant intérieur blessé ?

Christine Calonne, psychologue spécialisée dans l'aide aux victimes de pervers narcissiques, vous propose de mieux comprendre la relation entre le pervers narcissique et la victime à partir du point de vue de l'analyse transactionnelle.

Qu'est-ce que l'analyse transactionnelle ?

L'analyse transactionnelle a été créée par Eric Berne.

Il a particulièrement étudié les relations familiales où la violence psychologique est à l'oeuvre.

Il a conçu un outil d'analyse particulièrement intéressant pour décoder les jeux de pouvoir dans la famille et le couple, l'analyse transactionnelle. Il définit trois parties dans le moi : l'Enfant, l'Adulte et le Parent.

Ces trois parties en équilibre, se donnant la main, nous permettent d'échanger avec autrui sans rapports de forces et de violence.

L'Enfant est la partie du moi qui exprime ses émotions, sensations, besoins essentiels. C'est la partie spontanée et vivante. Elle mobilise notre imaginaire, nos capacités à jouer avec la vie. Elle nous encourage à explorer, découvrir, avec curiosité. L'Enfant Libre est cette capacité de spontanéité, capacité à éprouver du plaisir ou du déplaisir, aimer ou ne pas aimer. L'Enfant Adapté est la partie de l'Enfant dans le moi qui peut exprimer cela de façon à se faire comprendre et reconnaître, grâce à l'apprentissage des relations sociales. L'Enfant Petit Professeur est la partie de l'Enfant intuitive, créatrice, curieuse, humoristique.

L'Adulte est la partie du moi capable de sélectionner, trier et analyser les expériences pour prendre les bonnes décisions. Elle est rationnelle et sans préjugés. Le Parent est la partie du moi qui établit des normes, juge en positif ou en négatif (Parent flic), ou bien prend soin (Parent nourricier).

Il a décrit différents jeux de pouvoir. "Oui, mais ..." est une technique qui vise à disqualifier les autres dans leurs compétences à résoudre un problème que l'agresseur amène en n'acceptant aucune solution proposée. Le pervers narcissique jouit de mettre l'autre en échec et de le disqualifier ainsi.  "La jambe de bois" est la position de victime très utilisée par le pervers narcissique pour se faire passer pour une victime et charmer les âmes charitables, puis, utiliser celles-ci pour faire les choses à sa place. "Cette fois, je te tiens salaud !" est une technique d'agression très prisée par le pervers narcissique qui saisit la moindre occasion pour faire sentir à l'autre qu'il est nul.

Quels sont les états du moi chez le pervers narcissique ?

Le pervers narcissique nie son Enfant intérieur avec ses besoins, ses émotions et ses sensations pour survivre à une enfance où son moi personnel a été nié, maltraité.

C'est la raison pour laquelle il est vide et attaque autrui pour ne pas prendre conscience de son vécu passé douloureux. Il a conservé l'Enfant rebelle, plein de haine vis à vis de cette maltraitance de son enfance.

Il a développé un Parent flic, critiquant de façon destructrice autrui. Il simule un Parent qui prend soin pour installer l'emprise et manipuler autrui.

L'Adulte est surpuissant chez lui dans l'optique d'analyser autrui sans empathie émotionnelle, car il veut dominer, exploiter, puis détruire.

Il est dissocié de l'Enfant intérieur et du Parent qui prend soin de son Enfant intérieur blessé.

Il peut paraître spontané, expressif, mais c'est de la comédie, car il est vide intérieurement et vise à obtenir le pouvoir par ses stratégies de manipulation.

Comment appliquer le triangle de Karpman à la relation au pervers narcissique ?

Eric Berne a développé un autre outil, le Triangle de Karpman, triangle des jeux de pouvoir.

A une pointe, il y a le Sauveur. A l'autre pointe, on repère la Victime. A la troisième pointe, il y a Le Persécuteur. Le pervers narcissique se présente en Sauveur auprès de sa proie. Il lui offre sa protection, par ses attributs de pouvoir, ses biens matériels, ses cadeaux, sa fausse écoute, ...etc. Il est Sauveur dans le sens où il considère que sa proie est inférieure à lui et incapable de s'en sortir sans lui (mépris, sentiment de supériorité).

Il ne souhaite pas qu'elle s'en sorte et veut juste installer de cette façon une emprise sur elle.

C'est de la manipulation, car son objectif non-dit est de l'exploiter et de la détruire.

Une fois que sa proie a compris le mécanisme de l'emprise et veut le démasquer, il se sent persécuté et la vraie victime prend le statut de Persécuteur à se yeux. Il se considère Victime, car il ne veut pas être aidé et refuse de se remettre en question. Il adopte une position de Victime pour manipuler, mais il ne souffre pas.

C'est un jeu de pouvoir qui vise à récupérer l'emprise sur sa proie par la culpabilisation, la dévalorisation et le charme.

Comment la victime entre-t-elle dans ce triangle ?

La proie a souvent une volonté réelle d'aider autrui et se laisse apitoyer, remettre sous emprise.

La manipulation peut continuer.

La proie est souvent réellement victime d'une situation où elle a été fragilisée par un deuil, une rupture récente, une perte récente.

Il repère cette fragilité et s'engouffre dans la faille.

La victime veut s'affirmer et dire ce qui ne va pas quand elle se rend compte qu'il n'y a pas de dialogue, de relation affective, qu'elle se fait agresser violemment par des paroles blessantes.

Mais, le pervers narcissique ne supporte pas que l'autre existe et l'agresse encore davantage.

Terrifiée, elle ne peut y croire et craint pour sa vie.

Elle se tait, ménage l'agresseur et s'affaiblit de plus en plus.

Elle devient vraiment victime (au sens où elle est atteinte dans son intégrité psychique par les violences du pervers narcissique) et cela renforce la stratégie de Sauveur chez celui-ci, aux petits soins quand sa proie va mal et de plus en plus mal.

Il jouit de sa déchéance, car il n'a pas accès au bonheur et envie ce que sa proie avait comme qualités au départ et dont il ne disposait pas : la spontanéité, la joie de vivre, la créativité, l'altruisme, les valeurs, ...etc.

Bref, toute la part Enfant dont il a été spolié dans son enfance, la victime l'exprime par sa spontanéité, sa joie de vivre, l'expression de ses émotions, sa créativité. Il tente de la détruire pour se l'approprier.

La victime entre inévitablement dans ce jeu de pouvoir, car le pervers narcissique la pousse à bout et lui donne le rôle de persécuteur.

Il se positionne en victime et une personne empathique, sensible, souhaite aider son partenaire ou son parent en difficulté.

Mais, c'est illusoire, car le pervers narcissique ne se remet pas en question pour garder le pouvoir.

Comment la victime peut-elle sortir de ces jeux de pouvoir ?

Il est essentiel que la proie d'un pervers narcissique comprenne ce jeu de pouvoir, la façon dont le Triangle de Karpman se réalise dans la relation et comment en sortir.

Il est important de préserver son Enfant intérieur en ne l'exprimant plus dans la relation, mais ailleurs.

Cela signifie rester en contact avec ses sensations, ses émotions, ses besoins et les nommer, les exprimer à des personnes capables d'empathie et d'amour.

C'est essentiel d'entretenir sa part Adulte en observant de haut le processus de prise de pouvoir et en prenant du recul.

Garder en mémoire, noter les agressions violentes permet de voir la relation globalement avec l'alternance des positions dans ce Triangle.

Cette vision d'ensemble aide à ne plus se laisser reséduire.

Renforcer sa part Adulte, capable d'analyser et trier les informations, peut aider la victime à analyser les stratégies perverses froidement, pour ne plus mobiliser son empathie et son hyperémotivité dans une relation à sens unique.

C'est une qualité à préserver, mais à utiliser dans des relations saines et non destructrices.

L'entourage peut aider la victime à préserver ses ressources intérieures afin de l'amener progressivement, sans jugement, avec amour, avec empathie à s'enfuir.